Douze petits écrits, Le Parti pris des choses, Proêmes, de Francis Ponge
Il y a malheureusement pour moi dans la littérature des oeuvres qui jouent le rôle que l'Antarctique a pu jouer pour les géographes : hors de question de ne pas y aller, il faut connaître, reconnaître le terrain, le cartographier, l'expertiser... Quant à y trouver du plaisir, en tant que touriste et non plus en tant que géographe...
Le Nouveau roman était jusqu'ici mon Antarctique (la comparaison est de Rinaldi, pas de moi), mais j'y ajouterai Ponge et tous les littérateurs qui prennent la langue, le mot (c'est-à-dire le lien signifiant/signifié), pour objet d'écriture et non plus pour instrument. C'est intéressant, il est essentiel de l'avoir fait... mais est-il obligatoire d'avoir aimé cela ?
Passons sur l'ennui qu'on peut ressentir à certains textes, augmenté encore par la difficulté de la syntaxe pongienne (impression de faire de la course d'obstacles avec des haies qui ne soient pas posées avec régularité, et dont certaines seraient invisibles). Ce qui m'a amusée, à un moment, c'est cette réflexion : "Une question : si vous aviez lu naïvement Le Parti Pris, dans me connaître du tout, pensez-vous que vous y auriez attaché de l'importance, ou même que vous l'auriez vraiment lu ?
Vous aurait-il accroché ? (P. m'écrivait récemment encore : "Aussi pris que la première fois.")
Cela est essentiel pour moi."
Je crois malheureusement que la lecture naïve et captivée de Ponge (m')est impossible. Il faut être en recherche, en réflexion poétique, ontologique, etc. Ce que je ne suis pas trop en ce moment.
Le Parti pris des choses relu le 7 mars 2021 : et c'est une autre paire de manches.
Je ne me souvenais absolument... bon, non... de presque rien. Pas facile, pour la poésie, d'ailleurs, car la mémoire s'accroche aux progressions, aux changements, aux rubriques. S'il y a linéarité ou homogénéité conceptuelle, et il y en a une, l'exercice devient compliqué et confine plus que jamais à la fiche de lecture.
Toutefois, comme un charme nouveau (puisque je ne me souviens de presque rien) m'en est venu à la lecture, comme celui d'un monde enchanté transfiguré poétiquement, en évitant les clichés, en trouvant des images tout à fait neuves ou, tordant la barre à l'inverse, détournant les clichés, les tournant en dérision !
J'ai été si souvent charmée qu'il faudrait que je rende compte de plus près de tout. Mais j'ai apprécié que l'escargot, cette gracieuse créature si méprisée, ait droit aux pages virtuoses, ingénieuses et poétiques qu'elle méritait. Le thème de la coquille en tant que métaphore de la création poétique (influence de Tel Quel, il fallait s'y attendre) est très intéressant.
Les pages sur l'eau, sur plusieurs poèmes, sont difficiles à comprendre et mériteraient plus de temps, carrément une étude. De ce fait, j'ai lu avec un grand intérêt les pages de l'apparat-critique.