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10 février 2011

Le Royaume des mécréants, d'Anthony Burgess (1985)

royaume_mecreantsExtrait de la 4ème de couverture :

(...) Le narrateur de ce récit vit, en ce qui est aujourd'hui la Suisse, à l'époque de l'empereur Domitien. Il nous raconte à sa façon ce qu'il sait ou a entendu dire de ce Jésus et de ses disciples qui essaient d'implanter dans l'Empire une nouvelle religion. Mêlant rumeurs et certitudes,il nous parle des apôtres comme de gens simples, écrasés par la tâche qui leur est confiée, nous rapporte les démêlés de Paul avec les philosophes grecs qui méprisent cette nouvelle et naïve religion, nous décrit la Rome impériale soumise à toutes les perversions et cruautés de ses empereurs successifs. (...)


C'est un roman étonnant, sous la plume d'un Burgess dont je n'ai jamais osé lire jusqu'au bout Orange mécanique. Et son incipit me laissait présager le pire. Or, s'il est vrai que la cruauté des empereurs Tibère (un summum, finalement), Caligula et Néron n'est guère tempérée, puisqu'elle est gratuite, le côté roman historique de l'œuvre aide à "tenir le choc".
Le projet est donc de narrer les premiers temps du christianisme et les événements relatés semblent parfois une resucée, juste un peu plus familière, des Actes des Apôtres, que j'ai lus il y a bien vingt ans, et que je retrouve avec plaisir, sur un ton qui n'est pas parodique mais certainement plus distancié. Mais ce qui est formidable, c'est qu'au milieu de faits conformes aux temps, conformes jusqu'à l'admiration pour la culture antique de l'auteur, ce dernier lâche, bien maquillés, d'énormes canulars, dont un m'a fait beaucoup rire ! Non, même si je brûle de le faire, je ne les démasquerai pas ici ! La distanciation devient parfois erreur d'appréciation, ce qui fait que le lecteur ne cesse jamais complètement d'être actif par rapport à ce qu'il lit, ce qui est toujours un peu l'écueil, si l'on a affaire à un roman historique pur.
A côté de l'œuvre d'évangélisation, bien douloureuse et pleine de questions (Burgess fait élucider par Paul des apories théologiques qui ne se trouvent pas dans les actes, ni même dans les lettres mais dans les textes patristiques), défile la chronique de la vie à la cour impériale et celle d'un soldat qui a épousé une juive, Julius Tranquillus. Ces trois niveaux de lecture du siècle sont captivants, et je ne dois qu'à un emploi du temps chargé le délai énooooooooorme que j'ai mis à avancer dans ce récit.

Citations :

 

  • Je tire mon titre du nom que, dans la tradition juive, on donne à l'Empire romain. Paillardise, adultère, bigamie, sodomie, bestialité, cruauté sous ses formes les plus ingénieuses, assassinat, adoration de faux dieux, impuretés alimentaires et autres péchés d'incirconcision, attendez-vous à tomber sur toutes sortes de vilenies dans ce qui va suivre. Vous pouvez même vous en lécher les babine d'avance : corrompus, pour ainsi dire par procuration, des mains de votre auteur. Que la pratique de la littérature soit un mode de dépravation à justement condamner, voilà qui n'est que trop probable. Cela étant, et c'est connu, elle cesse d'être de la littérature dès qu'elle s'attache à redresser la morale et devient alors éthique ou affaire tout aussi assommante. (incipit)

  • Et c'est ainsi que Paul et quelques-uns de ses frères et soeurs en Jésus-Christ se firent traîner jusqu'au temple par les membres les plus militants de la guilde des orfèvres, - sans parler d'un vulgum pecus que l'on n'avait même pas eu besoin d'embaucher tant, dans ces villes de province où, le soir venu, il n'y a pas grand-chose à faire, empoigner et malmener de l'étranger est toujours un passe-temps aussi vertueux qu'agréable.

  • (...) Il ne faudrait pas s'étonner que Messaline n'ait jamais réussi à assortir sa beauté au moindre amour du bien et de la vérité. Menteuse chronique et mauvaise de bout en bout, elle l'était absolument. Sa beauté n'en tenait pas moins du miracle, nous dit-on.

  • Si alors, en grommelant, on se dispersa avant de retourner à la maison, ce fut, en partie, parce qu'on avait un sens très grec de la forme théâtrale. Cela faisait deux heures qu'on était là - donc : assez longtemps pour une pièce -, et le discours final avait, effectivement été couronnement de haute qualité à une dramaturgie de bel agencement. (A Ephèse, lors d'une émeute anti-nazaréens, après que le grammateus a plaidé la dispersion)

  • A l'office du dimanche, Paul, y dit pas que des bobards,/
    On finit toujours par du porc si on commence avec du homard. (chanson des juifs contre les prêches de Paul)

  • - Les Chrétiens ont raison lorsqu'ils veulent rendre leur dû à César et à Dieu, mais insistent pour que ces deux tributs soient nettement séparés. Il ne saurait être de gouvernement que séculier. Dès l'instant où il se mêle de politique, Dieu se transforme en son contraire. Ça ne date pas d'hier et ne cessera pas demain.

 

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