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Mots et Images
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30 juillet 2019

Vita et Virginia, de Chanya Button (2019)

Il se dégage un charme immense de ce film, qui repose hélas presque entièrement sur la façon sensuelle et touchante de filmer les splendides Vita Sackville-West (Gemma Aterton, encore plus talentueuse que dans Tamara Drewe) et Virginia Woolf (Elizabeth Debicki). Pour ce faire, Button fait des plans très rapprochés sur les bouches, les peaux, surfe sur l'extraordinaire garde-robe de la même époque que Downton Abbey, étudie les contrastes entre le physique à la fois hiératique et vénusien de Vita, et la grâce candide, puérile et asexuée de Virginia, en petit prodige devenu femme.

Ce film éveille enfin ma curiosité pour l'oeuvre de Virginia Woolf, que je voyais comme une sorte de misanthrope, féministe par misandrie et graphomane solitaire (le texte Une chambre à soi m'a conduite à cette idée).

Trop linéaire, de toute évidence, mâtiné de la fausse bonne idée des extraits de correspondances, cités par les actrices face caméra, dans une sorte d'apesanteur floue, le film souligne grâce à ce qui peut paraître pesant, beaucoup de choses. La cour au long cours, haletante, que Vita fait à Virginia, apparaît difficile entre cette séductrice invétérée et ce coeur neuf aidé d'une lucide intelligence qui a trouvé un équilibre dans l'asexualité. J'ai aimé la façon grave, simple et tranquille dont Virginia confirme pudiquement son éveil au plaisir à ses intimes de Bloomsbury. Or l'immense déception que Virginia ressentira en découvrant que Vita n'est qu'une séductrice fascinée par la fascination qu'elle suscite lui inspirera Orlando, roman par lequel je commencerai et qui, paraît-il, est bien plus complexe qu'une confession sous faux nom.

Chanya Button fait encadrer les deux femmes par leurs familles, à la fois complaisantes et carcans, Vita est prisonnière de l'hypocrisie mondaine et libérée par la nécessité que son mari (Rupert Penry-Jones) a d'offrir de la liberté en échange du droit d'assouvir soi-même ses petites faiblesses, mais les devoirs de l'aristocratie et de la diplomatie, la peur enfantine d'être délaissé, ne lui laisse pas une si grande marge de manoeuvre.

Une mention spéciale à Isabella Rossellini (Lady Sackville) en matriarche effrayante. Elle a le don de mêler la rondeur et l'amabilité de la matrone à la vindicte surhumaine d'une déesse... Junon, en somme. Je suis toujours étonnée de la manière dont, lors d'un silence mécontent, elle donne l'impression de se déployer comme pour fondre sur l'adversaire.

L'entourage de Virginia Woolf, son entourage atypique, plein d'inquiétude et de sollicitude pour elle, m'a interpellée. Le personnage de son mari, joué par Peter Ferdinando qui ressemble fort à son modèle, est tout à fait déroutant. C'est à la fois un homme affectionné, un frère, un ami, un homme de confiance, qui a tenté jadis d'être l'amant de sa femme et qui y a renoncé sans apparente cicatrice. On peine à croire à tant d'amour et de pragmatisme mêlés.

L'intérêt littéraire de ce film est évident, outre donner envie de découvrir les "vraies" personnes et de lire, il montre une tranche de vie fondatrice de Virginia Woolf, minée par la maladie (je n'ai pas compris laquelle) et découvrant l'amour, broyée et élevée par lui, en toute conscience et qui lui fera connaître le succès auprès du public.

Bande-annonce.

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