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2 juillet 2022

Reprendre le pouvoir, de François Boulo (2021)

Reprendre-le-pouvoir

L'essai de François Boulo, figure importante des Gilets Jaunes, commence par un "état des lieux" de la France contemporaine au sens strict, où il note entre autre la baisse du niveau de vie, le mécontentement, le blocage. Il revoit - ce qui semble bien nécessaire - respectivement le libéralisme et le néo-libéralisme, et on ne risque plus le confondre ensuit ! Il constate que les rapports de force sont infléchis par une novlangue et la diffusion de TINA, économiquement et politiquement. Avec une grande logique et sens de la dissertation, cet avocat va bâtir ensuite le postulat paradoxal que cette société néo-libérale française est une prison : "prison des esprits : l'idéologie dominante" (chap. 1), "prison institutionnelle : l'Union européenne" (chap. 2), "les gardiens de prison : le système garant de l'ordre établi" (chap. 3). Il terminera vers la dérive autoritaire et la question de la souveraineté.

L'exposé est intéressant, clair, je répète : structuré avec naturel et rigueur. Je n'ai pas pu le lire vite car il était dense et j'avais besoin de mûrir tout, même si peu de choses m'étaient inconnues ; c'est l'agencement logique qui était pour moi à la fois nouveau et agréable, qui montre la cohérence et la congruence d'un système nocif. Ce n'est pas sur un plateau-TV que le même pouvait dérouler cela en dehors des pensées-flashes voulues par les journalistes ("dites-nous en un mot..."), voire même leurs questions en forme de QCM. Le sous-titre "Manuel..." n'est donc pas usurpé et me voilà en train d'hésiter entre le garder ou le faire circuler...

Parmi les choses qui m'ont touchée et m'ont réellement apporté quelque chose de plus, en dehors de ce fabuleux échafaudage fermement lié, ce sont les trois éthiques proposées à la fin en vue d'une émancipation individuelle : l'éthique du bien commun (intérêt général, altruisme), l'éthique de la bienveillance (tolérance, empathie, dialogue serein) et éthique du savoir (apprendre, manier l'humilité et le doute, débat). L'habitude des réseaux sociaux où la bêtise et l'ignorance sont de surcroît imprégnées de haine m'ont beaucoup éloignée de la seconde éthique à laquelle je me raccroche parfois sans crier gare, mais je suis convaincue que ses qualités, par hygiène personnelle autant que par éthique, gagneraient à être plus constantes dans mon discours. Aux Rencontres déconomiques d'aujourd'hui, Gérard Mordillat a évoqué une composante nécessaire à un changement de société : la vertu. Je ne peux être plus d'accord... ni plus désespérée, étant donné le tableau des entrelacs des tentacules capitalistes et de la capitulation de ce qui devrait le tenir en respect.

Pour finir, je suis très étonnée de ne voir jamais évoqué LFI ni Mélenchon en fin de livre, alors qu'il évoque les perspectives des élections présidentielles, qui n'ont évidemment pas eu lieu au moment de sa parution. Il parle pourtant bien des socialistes et désavoue autant le RN et LREM. Coquetterie de ne pas finir par un discours militant ou forme de désaveu ? Je reste dans le doute.

 Citations :

  •     Sans rentrer dans un débat historique et conceptuel, la doctrine du libéralisme telle que pouvait la définir par exemple Adam Smith visait avant tout l’émancipation de l'individu et conférait à l’État un rôle de gardien de l'intérêt général. Cette vision justifiait notamment l'interventionnisme de l’État dans l'économie, en particulier pour prendre en charge les activités non rentables pour une entreprise mais largement profitable à la société dans son ensemble. (...) Le néolibéralisme rompt radicalement avec cette logique en ce qu'il vise à donner tout pouvoir à un système de marchés en concurrence au motif qu'il s’agirait du moyen le plus efficace pour faire fonctionnera la société.
  •     Comme l'affirmait avec une grande justesse Henri Lacordaire, la liberté n'est pas toujours synonyme d'émancipation : "Entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit."
  •     La leçon à tirer est simple : il faut considérer que tout candidat politique qui subordonne l'augmentation du pouvoir d'achat des citoyens à la seule et unique condition d'une reprise forte de la croissance n'est rien d'autre qu'un charlatan.
  •     Prenons en exemple qui semble faire surgir un paradoxe : nombre de personnes apparaissent promptes à s'indigner des rémunérations très confortables dont bénéficient les footballeurs mais ne trouvent rien à redire à celle des dirigeants du CAC40. Les mêmes arguments reviennent systématiquement (...). Les mêmes expliquent (parfois avec aplomb) que les dirigeants évoluent dans des secteurs très concurrentiels, justifient de diplômes prestigieux et sont des créateurs d'emplois pour notre pays. Pareille argumentation dubitatif. Dans le système du libre-échange et de la concurrence mondialisée, l'activité des grands dirigeants d'entreprise consiste à délocaliser leurs activités dans des pays à bas salaire plutôt qu'à créer des emplois en France. Surtout, dans le système qui est le nôtre où le seul objectif poursuivi est la recherche du profit, il apparaît logique que le niveau de rémunération soit déterminé par le gain que l'employé procure à celui qui l'emploie. A cet égard, les footballeurs génèrent globalement plus de revenus aux clubs qui les emploient qu'ils ne sont rémunérés. On peut ajouter qu'ils participent pleinement à la vie économique du pays et qu'ils contribuent à la création de nombreux emplois. Si l'on s'en tient au critère du profit, ce qui apparaît acceptable pour les dirigeants devrait l'être aussi pour les footballeurs. Ce n'est pourtant pas le cas.
  •     Admettriez-vous que le propriétaire d’une Ferrari soit pas soumis aux mêmes limitations de vitesse que vous ? Assurément non. Pour ceux-là, nos gouvernants nous expliquent qu’il faut être attentif au principe de « consentement à l’impôt ». En matière d’idiotie, celle-ci figure en très bonne position. Vous a-t-on déjà demandé de consentir à l’impôt ? L’État n’a pas à rechercher le consentement des ultra-riches à l’impôt, il doit les y soumettre, comme il le fait pour les classes moyennes.
  •     Il faut regarder la réalité en face : l'Europe sociale n'existe pas et n'existera jamais. Les Instances européennes conduisent au contraire des politiques qui visent à harmoniser par le bas les économies des États membres. Il ne s'agit pas d'élever le niveau des systèmes de sécurité sociale des autres États membres sur le modèle français, qui est l'un des plus protecteurs au monde, mais au contraire de détricoter celui-ci pour l'aligner sur celui des voisins européens. La même logique est appliquée pour les salaires. Or les Français n'ont jamais voulu faire l'Europe pour perdre des droits, mais ils ont toujours voulu au contraire que celle-ci les préserve face à la concurrence mondiale. Tous les artifices de communication sont utilisés par les gouvernants pour faire passer la pilule aux Français, qui développent progressivement une fâcheuse tendance à se rebeller.
  •     Selon un rapport de l'ONG ACAT France, l'utilisation de la force par la police doit remplir quatre conditions au regard du droit international :
    1/ la légitimité : tout recours à la force doit avoir un fondement juridique et poursuivre un objectif légitime (faire cesser une infraction à la loi) ;
     2/ la nécessité : le recours à la force doit être inévitable pour atteindre l'objectif poursuivi et cesser dès que l'objectif est atteint (rien ne justifie le recours à la force une fois l'individu maîtrisé) ;
    3/ la proportionnalité : le préjudice susceptible d'être causé par l'emploi de la force ne doit pas être excessif par rapport à l'avantage tiré de l'objectif à atteindre (la force létale ne peut être utilisée que pour protéger la vie) ;
    4/ la précaution : les opérations des forces de sécurité doivent être planifiées, préparées et conduites de manière à réduire au minimum le recours à la force et, lorsque cela devient inévitable, à cause le moins de dommages possible (les opérations doivent être préparées de manière à réduire l'escalade de la violence).
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