Le Docteur Jivago, de Boris PASTERNAK (1957)
En 1905, une émeute est réprimée de manière sanglante devant les personnages principaux qui sentent bien que quelque chose se passe en Russie, mais pas à quel point cela va bouleverser leur vie. Lara et Iouri Jivago se côtoient lors d'une soirée entre amis communs, dans des circonstances dramatiques, mais ne savent pas encore ce qu'ils seront l'un pour l'autre ; ils épousent l'un et l'autre leur première affection de jeunesse, Pacha Antipov et Tonia Groméko et fondent leurs familles respectives. Torturé à l'idée de tout ce que Lara ne lui dit pas de son passé, Antipov s'enfuit littéralement dans la guerre et laisse croire qu'il y est mort. Lara l'y suit comme infirmière et revoit Iouri, devenu médecin.
Après la Révolution russe et son chaos, ils se retrouvent à Iouriatine, village où Lara est professeur. Ils tombent amoureux et entretiennent des amours aussi passionnées que clandestines...
J'ai eu beaucoup de mal, entre le manque de temps et la pléthore de lectures menées de front, à entrer dans le roman. Au cours des cent premières pages, on rencontre près de cent personnages et présentés tantôt par leur prénom, leur diminutif, leur patronyme, leur nom de famille... et dans le cas des femmes, c'est bien pis, car il faut jongler entre leur nom de jeune fille et leur nom d'épouse ! J'ai dû me faire un petit mémoire !
Ceci fait, j'ai enfin pu entrer dans la lecture sans être complètement perdue, malgré l'impression, parfois, que certaines péripéties, certains personnages étaient là "pour rien". Ce qui m'a raccrochée, c'est la sensation de vivre de l'intérieur quelque chose de rare, presque de l'ordre du témoignage, des événements dont personne autour de moi ne saurait autrement me rendre compte. Pourtant Pasternak, tout en ne faisant absolument aucune impasse sur l'aspect historique et politique de la vie de Jivago, a une approche résolument intime des choses, approche de base et non pas théorique, ce qui, au lieu de le tenir à distance du jugement, lui donne une approche pragmatique (et sans concession) du régime soviétique, impuissant à apporter le bonheur... je viens de lire que cela lui a été reproché : selon les autorités soviétique, il n'aurait rien été de moins qu' « agent de l'Occident capitaliste, anti-communiste et anti-patriotique » ! De même, ce roman a profondément ennuyé Simone de Beauvoir, qui y recherchait sans doute quelque chose de plus politique, une réflexion plus intellectuelle, mais je n'en dirai pas autant. Il me semble que Pasternak n'a eu que le tort de vouloir faire de la littérature à une époque et dans un pays où elle était suspecte.
Une chose est certaine, on n'est pas dans Anna Karénine, les héros sont des polyamoureux qui refusent, comme disait un copain avec une pointe de cuistrerie, d'hypostasier leurs sentiments. La haute manière dont les héros aiment et continuent d'aimer, acceptent l'amour de ceux qu'ils aiment force l'admiration : cela peut frôler l'invraisemblance, cela ne dépare pas le roman.