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Mots et Images
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  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
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31 mars 2024

Madame de Sévigné, d'Isabelle Brocard (2024)

Synopsis : Milieu du XVIIème siècle, la marquise de Sévigné veut faire de sa fille une femme brillante et indépendante, à son image. Mais plus elle tente d'avoir une emprise sur le destin de la jeune femme, plus celle-ci se rebelle. Mère et fille expérimentent alors les tourments d'une relation fusionnelle et dévastatrice.

Autres temps : une jeune fille (Ana Girardot, jouant Françoise de Sévigné, épouse de Grignan) troussée par le Roi peut s'étonner que sa mère (Karin Viard, jouant Marie de Sévigné, née de Rabutin-Chantal) mette fin à l'entreprise et peut-être se courroucer que cela puisse se retourner contre elle. La voilà épousant Grignan (Cédric Kahn), car sa mère refuse qu'elle devienne abbesse, l'homme étant pourtant plus âgé qu'elle et désargenté. Contre toute attente, elle fait très rapidement montre d'une piété conjugale qui semble remplacer un temps la piété filiale tout aussi flamboyante ; son personnage donne au spectateur l'impression d'un revers de destin non seulement accepté mais aussi embrassé avec joie.

Voilà pourquoi le moment où Françoise de Grignan revient à Paris, malade, et tombe dans une sorte de huis-clos morbide et soudain accuse sa mère de l'avoir obligée à épouser un homme qui aurait pu être son père et "coureur" m'a fait tomber des nues. Ai-je dormi pendant le film ? N'a-t-on pas eu l'impression d'une épouse en adoration, oubliant sa mère et ne tenant pour rien sa présence ou son absence ? Les choses sont évidemment plus compliquées : le passage où, esseulée, Madame de Sévigné se lance dans l'éducation d'une petite cousine pauvre (que j'ai cru être sa petite-fille, Blanche) qu'elle renvoie ensuite, dès que sa fille revient, aurait dû me mettre la puce à l'oreille. La fille et la cousine (Cyrille Mairesse) sont vêtues d'une robe faite des mêmes impressions : le symbole est qu'il y a eu une tentative de substitution, de projection, que l'arrivée de l'original interrompt. C'est d'autant plus douloureux que la cousine arrive aux mêmes interrogations que Françoise, pourtant plus riche qu'elle quand elle était à marier : si elle ne devient pas religieuse, que pourra-t-il bien advenir d'elle ? la situation des femmes de condition était décidément bien étroite.

Plus amère la déception d'une étudiante en Lettres dans la salle qui, avec sa mère, s'attendait, à cause du titre, à une exploration moins sociologique et psychologisante de l'épistolière. Je reconnais que le titre, qui explore une relation d'aliénation mère-fille était fait pour égarer, voire drainer ce genre de public vers un film qu'il ne serait pas allé voir sans cela. Il est pourtant question du talent des lettres, mais le budget du film ne permettait pas, d'après ce que j'ai compris, de voir la reconstitution des scènes grandioses à Versailles dont rendaient compte les lettres de la célèbre écrivaine. J'ai quand même aimé voir le fameux Bussy-Rabutin dont j'avais lu plusieurs fois le nom comme destinataire, incarné dans Laurent Grévill, dans des scènes d'une grande affection. Et évidemment, je tenais à voir les grands amis de la marquise, Marie-Madeleine de La Fayette et François de La Rochefoucauld joués avec sensibilité et justesse par Noémie Lvovsky et Robin Renucci. J'ai aussi beaucoup aimé le jeu d'Antoine Prud'homme de La Boussinière qui jouait Charles de Sévigné, frère nettement sacrifié à la passion dévorante du duo mère-fille.

Les images sont très belles, douces. J'ai entendu depuis Isabelle Brocard dire dans une interview qu'elle avait voulu donner une impression de confort des lieux et des corps ; Karin Viard dire qu'elle n'aurait pas supporté de jouer encorsetée, de toute façon, et que le grand nombre de fois où elle était en tenue relâchée était bienvenu ! Ce n'est pourtant pas très proche de l'esthétique de l'époque où l'artificialité (ne parlons même pas des perruques qui recherchaient tout sauf l'effet naturel). J'y vois une nouvelle preuve que la réalisatrice ne cherchait pas à faire un film historique mais un paradigme intemporel des relations mère-fille ; le côté très apprêté du personnage de Françoise montrait à l'inverse non pas un soin à suivre la mode mais son souci de contrôler son image.

Merci aux chers amis qui m'ont incitée à retourner au cinéma voir ce beau film déroutant.

Je n'en souscris pas moins à la Tribune du Nouvel Observateur, rédigée par Mme Feidel : https://www.nouvelobs.com/cinema/20240308.OBS85422/tribune-madame-de-sevigne-un-matrimoine-en-danger.html

Bande-annonce du film.

La BO faite d'un duo guitare (ou luth) avec une flûte traversière me plaît infiniment et j'aimerais beaucoup proposer à X. de le jouer un jour avec moi si nous trouvons la partition.

Je ne parle pas du Corpus Christi Carol final qui est chanté presque a cappella par Jeff Buckley.

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