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11 février 2011

Les Mains sales, de Jean-Paul Sartre (1948)

mains_salesHugo Barine, dit Raskolnikoff, un étudiant d'extraction bourgeoise, marié à Jessica, sort de prison deux ans avant le terme prévu par sa condamnation et tente de rejoindre ses camarades du Parti. A leur instigation, il a tué l'un des leurs, Hoederer, jugé traître au Parti par Louis et d'autres, et maquillé le crime politique en crime passionnel. Mais ses camarades se méfient de lui, pour une raison mystérieuse, et ont décidé de l'éliminer à sa sortie de prison. Olga lui obtient un sursis à la condition qu'elle le sonderait et déciderait s'il est dangereux ou pas. Une mise en scène du passé nous montre ce qui a amené Hugo au crime.


La surprise, c'est que Sartre est tout de suite plus à l'aise, et son talent s'y déploie, dans le tableau de mœurs. Dès l'intervention du personnage de Jessica et ses "jeux" remplis d'agaceries et d'ambiguïté, on comprend Raskolnikoff et on entrevoit de nouvelles pistes d'interprétation au second tableau. Mais cela ne va pas jusqu'à évincer la dimension politique ; elle interroge sur la place de la realpoliltik : Hoederer consulte le prince d'Illyrie et Karsky, le chef du parti conservateur, il va parlementer, trouver un terrain d'entente éventuel et, vu de l'extérieur, cela peut apparaître comme de la traîtrise. Or les lignes politiques sont-elles immuables ? Celui qui s'efforce de contempler tous les paramètres d'une question est-il un traître ? Un bourgeois peut-il défendre le prolétariat pour de bonnes raisons ?

Non vraiment, cette découverte nombreuse des œuvres littéraires de Sartre que j'entreprends me fait mieux comprendre le lien, que De Gaulle vu avant moi, avec Voltaire : tous deux polygraphes et à l'écoute des combats idéologiques et moraux de leur temps.

Les doléances de Hugo, devant sans cesse se justifier de ses origines bourgeoises, de son statut d'intellectuel, émeuvent d'autant qu'on se dit que Sartre s'exprime en propre, parfois, à travers sa bouche.

Citations :

 

  • Pour une fois, tu as raison, mon grand camarade : l'appétit je ne sais pas ce que c'est. Si tu avais vu les phosphatines de mon enfance, j'en laissais la moitié : quel gaspillage ! (...) Et je grandissais, figure-toi. Mais je ne grossissais pas. (...) On m'a fait prendre de l'huile de foie de morue ; c'est le comble du luxe : une drogue pour te donner faim pendant que les autres, dans la rue, se seraient vendus pour un bifteck, je les voyais passer de ma fenêtre avec leur pancarte : "Donnez-nous du pain." Et j'allais m'asseoir à table. Mange, Hugo, mange. Une cuillerée pour le gardien qui est au chômage, une cuillerée pour la vieille qui ramasse les épluchures dans la poubelle, une cuillerée pour la famille du charpentier qui s'est cassé la jambe. J'ai quitté la maison. Je suis entré au Parti et c'était pour entendre la même chanson : "Tu n'as jamais eu faim, Hugo, de quoi que tu te mêles ? Qu'est-ce que tu peux comprendre ? Tu n'as jamais eu faim." Eh bien, non, je n'ai jamais eu faim. Jamais ! Jamais ! Jamais ! Tu pourras peut-être me dire, toi, ce qu'il faut que je fasse pour que vous cessiez tous de me le reprocher.

  • Mon petit, il y a un malentendu : je les connais, les gars du Parti qui ne sont pas d'accord avec ma politique et je peux te dire qu'ils sont de mon espèce, pas de la tienne - et tu ne tarderas pas à le découvrir. S'ils ont désapprouvé ces négociations, c'est tout simplement qu'ils les jugent inopportunes ; en d'autres circonstances ils seraient les premiers à les engager. Toi, tu en fais une question de principes.

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