Entre les murs, de Laurent CANTET (2008)
D'après l'autofiction du même nom, la chronique d'une année d'enseignement du français dans un collège de Paris intra muros. Le personnage du professeur est joué par l'auteur du livre, François Bégaudeau, et les élèves sont de vrais élèves d'un atelier-théâtre.
MON AVIS
C'est très facile de critiquer, mais on culpabilise aussitôt. Très facile de voir arriver, bien installé dans son fauteuil, l'erreur pédagogique, l'insistance blessante étourdie ou défensive, mais qui va déclencher le conflit, de se dire qu' "il n'aurait pas dû laisser passer ça" ou déplorer "qu'il s'accroche à un truc sans intérêt, qui finira par braquer". On peut se demander si, dans le feu de l'action et devant l'injustice de déléguées indignes, on se serait rappelé qu'on n'est pas payé pour apprendre à des "pétasses" la triste vérité sur ce qu'elles sont ; que c'est la vie qui leur apprendra pour quoi elles seront prises (et malheureusement laissées) puisque leurs parents n'ont pas su le leur apprendre ; qu'on ne joue pas sa carrière sur une mission éducative qui appartient aux parents.
La carence parentale à cet égard, comme à d'autres, est parfois poignante.
J'ai beaucoup apprécié que ce film dénonce, même si ce n'était pas son objectif peut-être, que retirer du centre de l'apprentissage la matière pour y mettre les élèves, comme le veut Meirieu, nuit énormément et à la matière et aux "apprenants" (ici, non-apprenants, voire non-comprenants). Elle permet aux élèves de capter en permanence la parole et de la diriger dans des directions qui ne sont pas l'étude : seul ce naïf professeur n'a pas compris que beaucoup des contestations ne servent qu'à interrompre, voire à saboter son cours, que la plupart des questions sont oratoires, et la façon dont il lâche la proie (sa matière) pour l'ombre, explique non seulement qu'il soit le gogo de l'histoire, mais même que, dans toutes les matières où les élèves disent avoir appris des choses, la sienne n'est pas représentée.
Autre dénonciation : l'échec du catéchisme cul-cul la praline qui sert de doxa depuis des années à savoir que le professeur (ou l'élève) qui se montre respectueux d'autrui sera automatiquement respecté. Pourquoi ce qui n'existe pas dans la vie existerait à l'école ? Vous en avez tous connu des enseignants odieux, méchants, méprisants aux cours desquels on entendait les mouches voler? Et entendu le brouhaha s'échappant de la classe d'un autre "trop gentil" ? Cette façon de considérer comme égaux en droits et en devoirs adultes responsables et mineurs placés sous responsabilité est d'une hypocrisie confondante. Cela fait le lit des contestations stériles et des affrontements auxquels on assiste dans ce film : comment ose-t-on s'étonner des comportements pervers dans un système pervers, c'est-à-dire hypocrite ?