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5 avril 2010

Cannibale, de Didier Daeninckx (1998)

cannibaleEn 1931 encore, il n'allait pas de soi que nous n'étions tous, en costume trois-pièces ou en pagne, que des déclinaisons de la même humanité, digne de respect.

L'Exposition coloniale veut des "sauvages", tirés des nombreux territoires français, et l'on fait venir de Nouvelle-Calédonie des kanaks, en leur présentant l'expédition comme une sorte d'ambassade, on ôte aux femmes leurs robes missionnaires, et on leur dénude la poitrine, on demande (sous la contrainte) à ces francophones de parler par grognements, et un écriteau désigne ces catholiques comme polygames et anthropophages...

Les crocodiles du marigot d'à côté étant tous mystérieusement morts, on échange une moitié des kanaks contre les crocodiles du zoo de Frankfurt-am-Main (notez comme Français et Allemands savaient fraterniser dans l'imbécilité, en ce temps-là), sans bien sûr juger bon de consulter lesdits kanaks, pas plus qu'on aurait songé à demander leur avis aux crocodiles.


Je n'ai pas lu grand chose de Didier Daeninckx et je n'ai aimé qu'une fois sur deux. Celle-ci est la bonne. Il ne délaie pas son propos, il tient en une centaine de pages essentielles, où s'écrivent deux histoires : la petite, celle de deux drames humains, celle de Gocéné, séparé de sa promise Méroé, qui doit partir à Francfort, celle de Francis Caroz, l'humaniste courageux, qui, aux yeux des Kanaks d'aujourd'hui n'est qu'un zoreille à malmener ; la grande, celle de la guerre des idées, qui, avant que l'horreur nazie ne balaie la grande Europe si contente d'elle-même et de sa civilisation, s'imaginait qu'elle était le nec plus ultra de l'humanité.

C'est donc à la fois tout simple, très littéraire et très engagé ; il est bon, avant de se demander le pourquoi de l'animosité de la terre entière à notre endroit, de se rappeler de ce que les arrières-grands-parents ont pu raconter aux petits-enfants qui nous regardent de travers, nous qui n'en pouvons mais.

Citation : "Vous tous qui dites "hommes de couleur", seriez-vous donc des hommes sans couleur ? La présence, sur l'estrade inaugurale de l'Exposition coloniale, du président de la République, de l'empereur d'Annam, du cardinal-archevêque de Paris et de plusieurs gouverneurs et soudards en face du pavillon des missionnaires, de ceux de Citroën et de Renault, exprime clairement la complicité de la bourgeoisie tout entière avec la Grande-France ! Il n'est pas de semaine où l'on ne tue pas, aux Colonies ! Cette foire, ce Luna-Park exotique, a été organisée pour étouffer l'écho des fusillades lointaines.... Ici on rit, on s'amuse, on chante La Cabane Bambou... Au Maroc, au Liban, en Afrique centrale, on assassine. En bleu, en blanc, en rouge... (...) Les Lyautey, les Dumesnil, les Doumer qui tiennent le haut du pavé aujourd'hui dans cette France du Moulin-Rouge n'en sont plus à un carnaval de squelettes près...(...) Travaillez parisiens ! Solidarité avec le genre humain : Ne visitez pas l'Exposition colonialiste ! Refusez d'être les complices des fusilleurs..." (discours d'une communiste)

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