Un Sac de billes, de Joseph JOFFO (1973)
Joseph vit dans le XVIIIème arrondissement de Paris au moment où l'on décrète obligatoire pour les Juifs de France le port de l'étoile jaune ; son père est coiffeur. Il échange incidemment son étoile, avec l'insouciance des enfants, contre un sac de billes, à la demande d'un camarade de classe émerveillé par ce qu'il voit comme un privilège de mode.
En réalité, les parents de Joseph, instruits de leurs souvenirs de pogroms en Europe de l'Est, comprennent qu'il est temps de mettre leurs plus jeunes enfants, Joseph et Maurice, à l'abri. Les aînés se trouvent déjà à Menton, la grande sœur s'est mariée à Ainay-le-Vieil. Les deux jeunes garçons devront passer en "zone libre" et découvriront bientôt qu'elle n'a de libre que le nom.
Un récit haletant, d'autant plus terrible qu'il est vrai. Il a eu beaucoup de chance, rencontrant des personnes capables de fermer les yeux ou de faire des entorses aux règlements, ne pas faire de zèle... tous n'ont pas eu cette Providence à toute épreuve. Le clergé catholique s'est notamment particulièrement montré à la hauteur de la vocation humaniste primitive du christianisme en ces sombres circonstances.
Malgré un contexte tragique, et une issue moyennement positive (ce qu'on sait dès les premières pages, Joffo ne maintiendra aucun suspense à ce sujet), le récit est rempli d'une force souriante, d'une capacité à rire de soi et des autres, salutaire. Merci à lui d'avoir écrit ce témoignage important.
J'ai bien aimé aussi l'épilogue et le "dialogue avec mes lecteurs", qui re-situe cet épisode de son enfance dans sa vie d'homme. Il présente ses œuvres ultérieures (le reproche de n'avoir pour fond que l'histoire de sa femme dans l'antisémitisme lui a été sensible) et j'ai déjà envie de lire "La Vieille dame de Djerba", et d'autres.