Le Sermon sur la chute de Rome, de Jérôme Ferrari (2012)
C'est vraiment un livre très difficile à résumer.
Il s'agit de la chronique lacunaire d'une famille d'origine corse, à Paris, en Algérie et en Corse. Les membres, sur trois générations, avec une insistance particulière pour la dernière, s'expatrient ou reviennent, et tentent des aventures de vie inattendue, fondent et assistent à la destruction de ce qu'ils ont fondé, par exemple, leur bar dans un village corse, pour Matthieu et Libero.
Comme double fond donnant du corps à un récit bien écrit, pas toujours simplement, le Sermon sur la chute de Rome, prononcé par Augustin d'Hippone alors que ses paroissiens se désolaient de la chute annoncée de la capitale de la chrétienté. Ce double fond n'est pas plaqué trop artificiellement : Aurélie et Matthieu, les frère et soeur de la dernière génération, ont recherché Augustin, l'un en tant qu'archéologue, l'autre en tant d'étudiant en philosophie.
Extraits :
- (...) Libero en était certain, les gens étaient prêts à payer le prix de la qualité, mais comme il fallait se résigner à vivre à l'heure du tourisme de masse et accueillir également des cohortes de gens fauchés, il était hors de question de se cantonner aux produits de luxe et ils ne devaient pas hésiter à vendre aussi de la merde à vil prix, et Libero savait comment résoudre cette redoutable équation, son frère Sauveur et Virgile Ordioni leur fourniraient du jambon de premier choix, du jambon de trois ans, et des fromages, quelque chose de vraiment exceptionnel, et même de si exceptionnel que quiconque y aurait goûté mettrait la main portefeuille en pleurant de gratitude, et pour le reste, inutile de s'embarrasser avec des produits de seconde zone, les saloperies que vendaient les supermarchés dans leurs rayons terroir, conditionnés dans des filets rustiques frappés de la tête de Maure et parfumés en usine avec des sprays à la farine de châtaigne, autant y aller carrément dans l'ignoble, en toute franchise, sans chichis, avec du cochon chinois, charcuté en Slovaquie, qu'on pourrait refourguer pour une bouchée de pain (...)
- Il était certain de ne jamais la revoir. Il ne savait pas qu'il comprendrait bientôt combien ces paroles blessantes débordaient d'amour car personne ne l'avait ni ne l'aimerait jamais comme Judith et, quelques semaines plus tard, dans la nuit de pillage et de sang qui réduirait le monde en cendres, c'est à Judith qu'il penserait et c'est vers elle qu'il se tournerait de nouveau (...).
- A nouveau, le monde était vaincu par les ténèbres et il n'en resterait rien, pas un seul vestige. A nouveau, la voix du sang montait vers Dieu depuis le sol, dans la jubilation des os brisés, car nul homme n'est le gardien de son frère (...).