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Mots et Images
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  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
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7 juin 2016

L'Elégance du hérisson, de Muriel Barbery (2006)

elegance-du-herisson-bis_1247Dans le même immeuble bourgeois de la rue de Grenelle vivent les deux narratrices de ce roman. La première est la concierge Renée, veuve d'âge mûr, qui cache soigneusement derrière tout ce qu'elle croit être les attributs d'une concierge (remugles de nourriture infâme, échos d'émissions de télévision indigentes, fautes de syntaxe...) sa passion pour les questions philosophiques, la littérature russe et l'esthétique japonaise. La seconde est Paloma, pré-adolescente surdouée et perturbée, très occupée à se faire sous-estimer par ses proches dans l'espoir d'échapper, par leur découragement ou par le suicide, à un destin dit brillant dans lequel elle a peur de s'éteindre.

L'une continuerait sur sa lancée indéfiniment, l'autre s'arrêterait assez rapidement, si, dans cet immeuble ne se produisait un événement inattendu : un changement de propriétaire : M. Ozu (oui, comme le cinéaste) emménage à la place de la famille Arthens...


 Mon premier sentiment de lectrice a été l'irritation, le refus d'adhérer : je ne comprenais pas la posture des deux narratrices, et je la désapprouvais, car leur motivation ne me paraissait pas crédible. Que Renée veuille passer pour moins futée qu'elle ne l'était au moment de son embauche, soit, même si je n'en pense pas moins. Mais qu'elle mette en place pendant vingt ans des artifices pénibles, fasse des cuirs intentionnellement, non, c'est absurde. Elle ne perdra pas son emploi pour cela, s'il est bien fait. Que la brillante petite cervelle ne veuille pas mettre ses neurones en avant, histoire d'éviter Normale Sup'-ENA-Cour des Comptes, ça se défend. Mais qu'elle s'autorise à mépriser tous les autres de préférer être des caricatures de CSP+ alors qu'elle se complaît à être une caricature de mini-khâgneuse dépressive... à quoi lui sert donc cette intelligence ? Je ne comprenais pas non plus le mépris de la concierge, qui devrait même prendre en compte son propre cas pour comprendre qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Ni même le mépris de l'auteur qui parvient à enfiler les lieux communs et les clichés sur les typologies bourgeoises avec une maestria que lui envieraient des apparatchiks de ma connaissance.

Pourquoi ai-je continué ma lecture ? Eh bien, c'est bien écrit. Très bien écrit, même. En plus, c'est drôle. Si. Et il y a des pages sur la philosophie qui m'ont enchantée. Pour elles, j'ai pensé que poursuivre cette lecture valait vraiment la peine.

Et j'avais bien raison, puisque la conclusion du livre montre que l'auteur n'a pas fait de maladresse, d'invraisemblance, mais juste calculé ses effets pour une péripétie tout à fait inattendue.

Citations :

  • Je m'étais depuis longtemps accoutumée à la perspective d'une vie solitaire. Être pauvre, laide et, de surcroît, intelligente, condamne, dans nos sociétés, à des parcours sombres et désabusés auxquels il vaut mieux s'habituer de bonne heure. A la beauté, on pardonne tout, même la vulgarité. L'intelligence ne paraît plus une juste compensation des choses, comme un rééquilibrage que la nature offre aux moins favorisés de ses enfants, mais un jouet superfétatoire qui rehausse la valeur du joyau. La laideur, elle, est toujours déjà coupable et j'étais vouée à ce destin tragique avec d'autant plus de douleur que je n'étais point bête.
  • Mme de Broglie est la femme de M. de Broglie, le conseiller d'Etat qui habite au premier, qui est entré au Conseil d'Etat sous Giscard et est tellement conservateur qu'il ne salue pas les personnes divorcées. Colombe l'appelle "le vieux facho" parce qu'elle n'a jamais rien lu sur les droites françaises, et papa le tient pour un exemple parfait de la sclérose des idées politiques. Sa femme est conforme : tailleur, collier de perles, lèvres pincées et une flopée de petits-enfants qui s'appellent tous Grégoire ou Marie. Jusque-là, elle saluait à peine maman (qui est socialiste, a les cheveux teints et des chaussures à bout pointu). (...) Ma mère a beau être rustique côté subtilité intellectuelle, on ne la lui fait quand même pas. Elle savait très bien que le jour où les Broglie s'intéresseront à la psychanalyse, les gaullistes chanteront L'Internationale (...). Pourtant, elle a décidé de se montrer magnanime (...). Mme de Broglie a eu droit à un cours entier sur le freudisme, incluant quelques anecdotes croustillantes sur les moeurs sexuelles du messie et de ses apôtres (avec un passage trash sur Melanie Klein) et émaillé de quelques références au MLF et à la laïcité de l'enseignement français. La totale.
  • Je ne vois que la psychanalyse pour concurrencer le christianisme dans l'amour des souffrances qui durent.
  • J'avais discuté avec un jeune thésard en patristique grecque et m'étais demandé comment tant de jeunesse pouvait se ruiner au service du néant. Et vlan dans tes dents, Dona Swann ! Il est vrai que ce qui ne nous intéresse pas ne sert à personne (puisque nous sommes le nombril du monde !).
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Commentaires
I
Je suis personnellement restée sur ma première impression, très négative, tout au long du roman... J'ai trouvé que l'auteur ne faisait que tomber dans les travers qu'elle voulait dénoncer..
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D
Bonnjour DonaSwann, j'ai rarement ri autant en lisant un roman et et en effet, c'est très très bien écrit. Lecture qui remonte à presque 10 ans. Bonne journée.
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