Alcools, de Guillaume Apollinaire (1913)

C'est quand on sait que le recueil a été écrit sur quinze ans, qu'on comprend mieux le "tribut" qu'on a cru que le poète rendait à Rimbaud ou même à Nerval (dans ce dernier cas, ce sont directement des clins d'oeil, car Apollinaire prend pas la pose). Le charme est d'ailleurs dans ces ruptures de ton, ces élans vers une poésie apparemment à message, mystique, lyrique, puis un vocabulaire trivial qui coupe l'effet, qu'on retrouvera dans les Poèmes à Lou, sans jamais sacrifier à la musique du poème.

J'ai évidemment compris le tribut payé par les surréalistes à ce poète : ils lui doivent l'incongruité de visions, le côté iconoclaste. Ce qui fait que l'on peut parfois trouver cela, comme chez Victor Hugo, "très beau", mais pas de mignonnerie, pas de pathétique, un peu de dureté, même là où on le soupçonne de s'attendrir. Un bon exemple est le magnifique discours pour le mariage d'un de ses amis, que j'envie... Je vais être honnête, il y parvient un peu moins bien dans ses poèmes évoquant sa rupture avec Marie Laurencin...

L'Antiquité est là, mais aussi le monde contemporain, et le premier n'est pas la pourvoyeuse d'images parfois pompières, telles qu'on en est saturé dans les Méditations poétiques, par exemple, de Lamartine. Le christianisme est prégnant comme image, décor, culture, Apollinaire nous prévient dès "Zone", mais jamais pour faire de prosélytisme, là, encore Apollinaire fuit Hugo ; le christianisme semble être une des manières de rompre avec la poésie classique, très nettement.

Parfois j'ai été gênée par l'absence de ponctuation, parfois, je ne l'ai même pas remarquée, ou encore appréciée.

(relecture)

Citations :

• Et moi j'ai le coeur aussi gros
  Qu'un cul de dame damascène,
  Ô mon amour je t'aimais trop
  Et maintenant j'ai trop de peine