Les Sentiments du prince Charles, de Liv Strömquist (2012)
Toujours dans ma période The Crown et afférents, le titre m'a attirée, ainsi que le souvenir d'en avoir lu une bonne critique. Liv Strömquist pose un certain nombre de situations relevées par des traités dont elle met les références, qui tournent autour de la capacité à ressentir, à exprimer ses émotions selon qu'on a été éduqué dans une famille hétéronormée en tant que fille ou garçon. On se rend compte ensuite que loin de n'avoir de conséquences que sur le comportement privé dans le couple et dans la vie affective, cet état de choses (femme réclamant le dialogue, demandant à son conjoint s'il va bien, dans l'inquiétude, et recevant silence ou rejet plus ou moins direct) va entraîner une sorte de névrose privée puis collective, avec un système de marchandage autour de la sexualité, voire de la virginité qui nous emmène, sans l'avouer, vers notre bon vieux patriarcat. Le glissement est stupéfiant, pas forcément spécieux. Ce qui m'a stupéfiée, moi qui était persuadée d'avoir eu des parents plutôt progressistes, c'est de découvrir qu'en réalité, l'éducation était parfaitement traditionnelle (oui, l'hétéronorme, à bien y réfléchir, y était, mais je pensais le critère plus anodin) et que ce que je prenais pour des chagrins privés ne l'étaient pas.
"Nos larmes sont politiques", disait Edouard Louis dans sa préface au Retour à Reims de Didier Eribon.
J'aime bien les bandes-dessinées de ce type, noires et blanches, initiées par les publications de L'Association (je crois) et rendues célèbres par Persépolis. Les légendes verticales m'ont un peu gênée, mais sans plus.