Ruy Blas, de Victor HUGO (1838)
Madrid, 169*. Don Salluste apprend qu'il est en disgrâce (il a séduit et abandonné une dame de compagnie de Maria de Neubourg, reine d'Espagne) ; il devra rendre sa Toison d'Or et se résoudre à l'exil. Il décide de se venger de la reine par la même monnaie, en découvrant que Ruy Blas, son valet est amoureux de celle-ci. Don Salluste va demander à Blas de séduire la reine, sans préciser à quelles fins, sous l'identité de Don César, son neveu. Or Ruy Blas ne connaît Don César que comme un gueux nommé Zafari, dont il est l'ami, et ne soupçonne pas qu'il va être l'instrument de la perte de celle qu'il aime. (Acte I. "Don Salluste"). Les trois hommes ignorent d'ailleurs tout de leurs liens respectifs.
La reine, toute puissante au début de la pièce, n'est en réalité qu'une prisonnière de l'étiquette et de sa fonction, délaissée par un mari encore sous le deuil de son épouse précédente et qui passe son temps à chasser. L'unique bonheur de la reine finit par venir des bouquets de fleurs qui lui sont adressés anonymement par Ruy Blas, puis par sa lettre. Elle finit par "découvrir" que son amoureux clandestin et Don César sont la même personne. (Acte II. "La Reine d'Espagne")...
Une pièce tout à fait magnifique, plus agréable à lire que dans la version que j'avais vue au théâtre, avec, pourtant, un grand acteur dans le rôle-titre. La mise en scène prenait le parti du dépouillement alors que Victor Hugo avait prévu des décors magnifiques (scrupuleusement respectés dans la parodie de Gérard Oury). Au sujet de cette parodie (qui détourne ingénieusement le "Bon appétit, messieurs"), on constate une quasi-inversion des caractères entre Don César et Ruy Blas, chez Don César et Blaze du film "La Folie des grandeurs" : chez Hugo, c'est Don César qui est un personnage-fantoche, grotesque, un joyeux drille, jamais porteur du fameux "lyrisme pathétique", bien qu'on puisse plaindre sa destinée à l'acte IV. Le poids du tragique est entièrement porté par Ruy Blas.
Je ne comprends pas du tout ce jugement de Balzac : "Ruy Blas est une énorme bêtise, une infamie en vers". J'ai trouvé la pièce ingénieuse, nouvelle, et les paradoxes de l'âme noble, confrontée à l'habit du valet, sont intéressants et préparent Escurial, de Ghelderode.
Citation :
"Donc je marche vivant dans mon rêve étoilé !" (III, 4, v. 1291)