Littoral, de Wajdi Mouawad (1999)

Wilfrid a perdu sa mère, Jeanne, à la naissance et son père, Ismail, à l'âge adulte, sans l'avoir vraiment connu, élevé dans sa famille maternelle. Les langues se délient à cette occasion : eux, tiennent le père responsable de la mort d'une femme qui ne pouvait pas avoir d'enfants. Le père, mort-vivant, spectral, pourvu de parole, accompagne son fils qui désire l'enterrer dans sa terre natale, puisqu'il est impossible de le mettre dans son caveau familial.

Il arrive alors dans un pays délité par la guerre, plein de questions devant les crimes de guerre.

La pièce est d'abord divisée par des déictiques (Ici, Hier, Là-bas...) pour les actes, tandis que les scènes sont numérotées de la première à la dernière et intitulées comme des chapitres également (L'Autre, Chemin, Littoral). La modernité est également portée par la représentation de tout un univers mental non pas onirique mais fantaisiste en même temps que le drame lui-même. L'intervention d'un Chevalier Guiromelan, qui sauve depuis l'enfance Wilfrid, de circonstances insupportables (vraiment ! j'ai apprécié son arrivée chaque fois !) en coupant littéralement le cou et donc le déroulement, l'accession à la réalité ; l'impression d'être l'acteur de sa vie fait apparaître un plateau de tournage ; le père se barbouille lui-même de vert pour montrer l'avancée de sa putréfaction... C'est d'abord assez difficile d'entrer dans ce monde-là, puis on ne veut plus en sortir.

Il nous ressemble, avec ces jeunes gens qui s'interpellent d'un horizon à l'autre, se connaissent à la voix, s'imaginent, se voient différents ou semblables en se rencontrant. Il diffère du nôtre, car la jeunesse ne s'y divise pas mais s'y unit pour raconter son histoire multiple... Wilfrid remarque alors tristement que la guerre unit.

Citations :

• Wilfrid - Qu'est-ce que tu faisais assis sur le banc quand on t'a trouvé mort ?
  Le Père - J'attendais que le jour se lève.
  Wilfrid - Pourquoi tu ne m'as pas appelé ? Pourquoi tu n'es pas venu sonner ?
  Le Père - Tu n'étais pas là. Je t'ai attendu, puis, vers le début de la nuit, je t'ai vu arriver avec une fille. Je ne voulais pas te déranger. Je sais ce que c'est.
  Wilfrid -Qu'est-ce que tu sais ?
  Le Père - Je sais ce que c'est que de rentrer avec une fille tard à la maison. Je suis mort, mais je ne suis pas con.

• Si jamais il y a quelqu'un en haut, si jamais quelqu'un m'écoute, j'aimerais bien qu'il m'arrive quelque chose de facile, j'aimerais bien !
• Mais mon coeur est un diamant et je ne plierai pas devant les imbéciles, devant les blêteux, l'hébété, l'inepte et le sot ! Je ne partirai pas de ton rêve, je ne ferai pas de toi un être froid et rustre, tu continueras à délirer malgré toi, tu continueras à rêver, tu continueras à divaguer, tu continueras malgré toi et si tu refuses, tu meurs.

Le Sang des promesses :

1. Littoral
2. Incendies (Incendie de Nawal - Incendie de l'enfance - Incendie de Jannaane - Incendie de Sarwane)
   
3. Forêts