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27 décembre 2011

Hélène, d'Euripide (412 av. J.-C.)

euripideIIOn vous a toujours menti : Pâris n'a jamais enlevé Hélène de Sparte à Ménélas pour l'emmener comme compagne à Troie, déclenchant ainsi une des plus tragiques guerres que jamais légende ait rapportée. En réalité, Héra, furieuse de la réussite du stratagème d'Aphrodite et s'improvisant donneuse de leçons (elle avait essayé elle-même de corrompre Pâris...), enleva la vraie Hélène et la "déposa" en Égypte, au royaume du roi Protée. C'est une sorte d'ombre, de fantôme, de simulacre que Pâris emmena et pour laquelle l'armée grecque tout entière partit au combat, et, pour beaucoup, à la mort. Or Protée meurt, laissant son royaume à son fils Théoclymène, bien moins bienfaisant, puisqu'on comprend qu'il presse Hélène de l'épouser d'une manière si peu digne d'un hôte et d'un gentleman (j'adore employer des mots en parfait anachronisme, passez-moi ce petit plaisir), que celle-ci a élu domicile sur le tombeau de Protée, ce qui la préserve et de l'outrage, et du mariage. Là, elle se lamente de la perte de sa bonne réputation, du fait d'être un objet de malédiction de la part de tous les Grecs.

Or Ménélas arrive en Égypte. Les deux époux se retrouvent face à face et, détrompé, Ménélas ravi d'apprendre que ce n'est pas une femme souillée d'adultère qu'il récupère, mais la même, aussi amoureuse et fidèle qu'autrefois, va imaginer un stratagème pour l'emmener vers leur foyer à Sparte, finir leur vie ensemble...


Voilà encore une tragédie d'Euripide avec laquelle j'ai rendez-vous depuis bien longtemps, mais dont j'ignorais l'argument. Euripide ne manque, dans aucune pièce liée à la guerre de Troie, de maudire Hélène. La voilà curieusement épargnée, mais accablée, en même temps : qui voudra jamais croire à la pureté d'Hélène, qu'une histoire si rocambolesque atteste ? N'est-ce pas une façon de d'ironiser sur la seule excuse pour se réjouir du rabibochage de ce couple royal, à savoir si Hélène n'avait rien à se reprocher ? Nos sensibilités modernes pourront trouver très politiquement incorrecte cette façon de jeter l'opprobre sur cette femme, qui, dans un cas et dans d'autres pièces ou épopées, s'est fait enlever contre son gré par Pâris, et dans cette pièce en particulier, risque viol et mariage par Théoclymène qui ne l'intéresse pas ; la femme violentée est toujours peu ou prou soupçonnée d'être consentante. Une remarque de Ménélas lui ferait mériter ce qu'il craint : "La contrainte est pour toi un prétexte [pour céder]!"

Pour haut que ces considérations anachroniques et vaudevillesques, la thèse que les hommes se battent pour des simulacres, des chimères, et, des yeux de la postérité, sont morts pour des fantômes, est défendue sous la forme d'une très belle allégorie.

J'ai beaucoup aimé dans cette pièce le dialogue amoureux entre le mari et la femme, notamment lors du troisième stasimon.

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