L'Ère du peuple, de Jean-Luc Mélenchon (2017)
Cet essai a déjà été publié en 2014, 2016 et j'en ai lu la version augmentée parue en 2017. On y trouve le texte remanié, des annexes et des textes inédits ("L'intelligence du nombre", "L'anthropocène comme moment politique", "Le peuple et son conflit", "Le peuple et son mouvement").
Si vous "suivez" Mélenchon depuis longtemps, vous êtes familier avec plusieurs de ses thèmes, avec sa critique politique d'une croissance perpétuelle vouée d'avance et d'ores et déjà à l'échec, des décisions à courte vue et à petite échelle, les "mesurettes", etc. Mais l'intérêt de ce livre et qu'il peut développer posément ses raisonnements et avoir le temps ou l'opportunité de les étayer, chose qu'on ne peut pas toujours entendre lors de ses interventions audio-visuelles (radio, TV, meetings...) malgré son souci constant de pédagogie, qui, de l'avis même de ses détracteurs, est sa caractéristique.
Et, plus que jamais, la largeur de sa vision, et sa profondeur, sont frappantes : c'est un homme qui "pense global" et non pas franco-français ou sous le prisme réducteur des échanges économiques et financiers, où les gens ne seraient qu'une variable d'ajustement. Il est mondialisé, comme son époque, et pas seulement "internationaliste", comme sa famille politique d'origine. Mais c'est d'une autre mondialisation, qui tente de créer une symbiose heureuse, dépasser une lutte des classes ou l'utopie de l'osmose, et sauver l'éco-système, empreinte de conscience et d'empathie, qu'il se fait le chantre.
Ce terme pourrait faire penser à de la belle parole, de la poésie, mais nous comprenons qu'en réalité, c'est de quantité de paramètres qui pourraient, si on les ignorait, se mettre en travers de notre route, qu'il tient compte. C'est un stoïcien, Jean-Luc Mélenchon, pas un feel-good coach. Le facteur humain mondialisé, l'écosystème, ne sont pas pris en compte par pure sensiblerie, philanthropie de principe ou pour décorer, mais parce qu'ils sont le terrain qui peut faire fleurir la politique qu'on y plante, ou la renverser sous peu. Il y développe la théorie du nombre, que j'ignorais, d'une façon très intéressante, avec un texte supplémentaire en fin de volume.
Citations :
- Cette caste toute-puissante née de la globalisation financière qui gouverne tout, c'est l'oligarchie. Au sens étymologique du terme : le pouvoir de quelques-uns. Compte tenu de la nature instable de la matrice dont elle dépend, cette caste ne peut faire autrement que d'élargir sans cesse le territoire de sa domination. Elle ne peut accepter aucune règle extérieure à sa propre logique d'accumulation. Donc ni loi, ni règlement qui entraveraient la circulation financière endiablée dans la bulle. Naguère, quand on pointait cette tendance à se soustraire à tout contrôle, on passait pour un exagéré. Là encore, tout s'est accéléré jusqu'au point où le système s'est rendu caricatural. Avec l'invention des "tribunaux d'arbitrage" on a vu comment l'oligarchie prétend ne plus dépendre qu'aucune loi.
- En effet, en situant le peuple comme acteur de l'histoire et plutôt qu'une classe en particulier, je sais que je m'écarte d'un schéma très profondément ancré dans ma famille intellectuelle d'origine.
- L'égalité est une revendication étroitement corrélée à la conservation de l'écosystème. D'abord, parce qu'elle refuse les conséquences de la propriété privée des biens communs naturels, le droit d'user et d'abuser qu'elle implique, alors qu'ils sont essentiels à la reproduction de la vie de chaque individu.