Pluie et Vent sur Télumée Miracle, de Simone Schwarz-Bart (1972)
Télumée Louganor, une Guadeloupéenne sans époque, nous raconte d'abord l'histoire matriarcale (essentiellement) de sa famille, puis sa propre histoire. Elle descend de femmes qui ont connu l'amour mais ont été souvent/longtemps seules, des femmes belles alternant force et faiblesse, dans un environnement luxuriant, à la fois pernicieux et bon enfant.
Je découvre ce roman pour des raisons professionnelles et il m'a irrésistiblement fait penser, comme un double solaire, aux romans haïtiens de Marie Vieux-Chauvet. Mais, comme je viens de le dire, il y a une force d'optimisme, d'amour, au milieu des pires épreuves, qui l'en détachent. D'ailleurs, le dernier mot du roman est "joie".
Parmi les choses qui m'ont plu, la force d'évocation de l'atmosphère, où l'autrice, fille d'un Suisse et d'une Antillaise, ne cherche pas à "faire pittoresque", à nous enterrer sous une faune et une flore exotique, nommément... Et pourtant, les fleurs sont là, à profusion, on sent le goût de fruits rarement nommés, des essences odorantes et vertes nous environnent. Quand la Reine sans nom passe, on voit des couleurs vives et naïves, sous les pas de cette beauté légendaire...
A mon grand émerveillement, je vois un monde plus aérien (et peut-être aquatique), comme l'indique le titre, que terrestre. C'est nouveau pour moi.
Je n'aurai pas forcément envie de le relire, mais c'est une découverte d'une littérature antillaise que j'ignore, que je suis contente d'avoir faite.
Prix des lectrices de Elle 1973.
Citations :
- Télumée, mon petit verre en cristal, comme je démêle en ce moment tes cheveux, je t'en supplie de démêler ta vie de la sienne, car il n'est pas dit qu'une femme doive charrier l'enfer sur la terre, et où est-ce dit, où là ça ? écoute, un jour viendra où tu remettras ta robe de vie et tout le monde verra que ton goût n'a pas changé... déjà il y a dans ma case, un brave homme qui est en émerveillement définitif devant toi... Tu le connais, je le connais et je peux te dire qu'il t'aime comme un homme sensé aimé une terre fertile, une terre qui le nourrit et le supporte jusqu'après la mort... tu vois, parfois le dos meurt pour l'épaule, et l'épaule n'en sait rien (...).
- Ah, Télumée Lougandor, ne va pas croire que ton destin est d'entretenir le feu de l'enfer... évite que cela soit inscrit dans le livre de ta vie, car c'est une chose que les humains, le ciel, les arbres ont en horreur...