Histoire de Khady Demba, in Trois femmes puissantes, de Marie Ndiaye (2011)

Voici une des nouvelles du recueil Trois femmes puissantes. Dans un pays d'Afrique qui ne sera pas nommé, elle présente les mésaventures de la nièce de Fanta, qu'on retrouve dans une autre des nouvelles et qui y est évoquée comme destination de Khady Demba ; ce nom résonnera tout le long de la nouvelle comme un véritable mantra de dignité, preuve de sa singularité et de la valeur de sa vie, elle qui est traitée comme une insignifiance.

Veuve au bout de quelques années de mariage dont elle n'aura guère profité, obnubilée qu'elle était par son désir d'enfant, au lieu de vivre sa vie d'épouse pleinement, ce qu'elle se reprochera toujours, elle sera chassée par la famille de son mari et livrée à l'errance et à l'exploitation sur le chemin vers celle qui a réussi un bon mariage, Fanta...

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 On voit dans ce récit une femme maintenue en vie par sa volonté jamais exprimée, en opposition avec une attitude mutique et de repli dès son veuvage, par un formidable instinct de survie lié à cette volonté. Et pourtant, Marie Ndiaye ne livre pas son parti jusqu'à la toute fin au sujet de son héroïne, cette puissance suffira-t-elle à la sortir du tragique d'une existence où elle est réifiée et exploitée ? Pour moi, c'est aussi et surtout une existence et surtout une conscience sautant de ses souvenirs à un futur meilleur, où l'on ne prend pas soin de son présent (la thématique des blessures qui ne guérissent pas et dont on ne s'occupe pas soi-même me paraît en être la métaphore la plus évidente).

Citations :

• Car ce mari qu'elle avait eu avait été si gentil.
  Il l'avait laissée, au sein de leur existence commune, devenir cette corde follement étirée que faisait trépider la moindre émotion, et il l'avait entourée de prévenances et de paroles prudentes, délicates, exactement comme si, occupée à créer, elle avait eu besoin pour l'accomplissement de son art, la mise en forme de son obsession, d'une atmosphère de muette déférence autour d'elle.
• Hello, Khady, se dit-elle.
  Elle se rappelait combien, petite fille, elle avait apprécié sa propre compagnie et que, lorsqu'elle souffrait d'isolement, ce n'était jamais seule avec elle-même mais au milieu d'autres enfants ou dans les nombreuses familles chez lesquelles elle avait travaillé comme domestique.