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Mots et Images
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  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
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24 mai 2023

Les Vrilles de la vigne, de Colette (1908)

9782253104407-001-TVent debout contre, depuis que quelqu'un, dans les empyrées du Ministère, nous impose à intervalles proches Colette, soit dans des extraits de Sido, soit des Vrilles de la vigne à l'examen de Français au baccalauréat...

Je n'avais pourtant pas plus d'animosité que cela contre une autrice que j'estimais avoir assez lue mais, tout d'abord, je n'appréciais pas que, tout en ayant remplacé dans les nouveaux programmes de 2007 l'objet d'étude "(auto)biographique" qui plaisait tant aux élèves. Il fallait donc leur recoller le nez sur le roman et la nouvelle, inlassablement infligés depuis leur 6ème, l'institution se permettait l'excursus refusé aux enseignants, au niveau de l'examen, sous prétexte que l'élève n'en saurait probablement rien (continuer à faire passer pour un récit de fiction un texte autobiographique). D'ailleurs, s'il fallait être rigoureux sur le genre, les textes de ce recueil tiennent bien plus des poèmes en prose que des nouvelles. Ensuite, je ne voyais pas ce que ces oeuvres de Colette avaient de si sublime qu'on dût à tout prix les servir plus souvent aux candidats que les Illusions perdues, Du côté de chez Swann ou Germinal.

J'avoue que je ne vois toujours pas ; en revanche, j'aime beaucoup, mais, comme pour Mémoires de deux jeunes mariées, j'aurais été bien plus à l'aise pour l'enseigner dans le post-bac qu'au niveau du Lycée : prose poétique, d'abord, voire poème en prose, pas assez d'aspérités par où l'administrer à ces jeunes gens du Lycée technologique, sauf à leur faire réciter des fiches ou à se résigner à des propos approximatifs en deuxième partie d'oral... Le côté "célébration du monde" est toutefois bien plus défendable ici que dans Sido.

Ces râleries "professionnelles" étant faites, je suis bien contente d'avoir lu ces deux recueils de textes et donc celui-là. Sensualité, humour, tendresse, beauté des choses faussement simples, sont un enchantement, une friandise, à lire. J'ai retrouvé les Dialogues de bêtes, lus il y a longtemps, même "Nonoche" dont l'éponymie épicoristique me faisait craindre de la niaiserie de mémère à chats s'achève de façon frappante, et l'humour de "La Dame qui chante", en visible private joke avec Paul Reboux, sonne juste jusque dans sa construction symétrique.

Un peu plus circonspecte suis-je, pour ce qui est du coup de griffe en rosse à l'égard de ses consoeurs, prompte comme bien des amoureuses d'hommes à la misogynie : je retrouve que je n'ai guère aimé dans Claudine à l'école. Mais sur le coup d'oeil inégalable à la toilette, à la coiffure (elle qui dit paradoxalement n'y prêter aucune attention), on voit des silhouettes prendre corps en volume, chaleur et texture sous nos yeux !... je suis admirative.

Citations :

  • Cassantes, tenaces, les vrilles d'une vigne amère qui m'avaient liée, tandis que dans mon printemps je dormais d'un somme heureux et sans défiance. Mais j'ai rompu, d'un sursaut effrayé, tous ces fils tors qui déjà tenaient à ma chair, et j'ai fui... Quand la torpeur d'une nouvelle nuit de miel a pesé sur mes paupières, j'ai craint les vrilles de la vigne et j'ai tenté tout haut une plainte qui m'a révélé ma voix !...
    "Les Vrilles de la vigne"
  • Tu m'as donné les fleurs désarmées... Tu m'as donné, pour que je m'y repose haletante, la place la meilleure à l'ombre, sous le lilas de Perse aux grappes mûres... Tu m'as cueilli les larges bleuets des corbeilles, fleurs enchantées dont le coeur velu embaume l'abricot... Tu m'as donné la crème du petit pot de lait, à l'heure du goûter où ma faim féroce te faisait sourire... Tu m'as donné le pain le plus doré, et je vois encore ta main transparente dans le soleil, levée pour chasser la guêpe qui grésillait, prise dans les boucles de mes cheveux...
    "Nuit blanche"
  • Mon cher dimanche de paresse et de lit tiède, mon dimanche de gourmandise, de sommeil, de lecture, te voilà perdu, gâché, et pour qui ? Pour une incertaine amie qui m'apitoie vaguement...
    "De quoi est-ce qu'on a l'air ?"
  • VENDREDI - Marthe dit : "Mes enfants, on va pêcher demain à la Pointe ! Café au lait pour tout le monde à huit heures. L'auto plaquera ceux qui ne seront pas prêts !" Et j'ai baissé la tête et j'ai dit : "Chouette !" avec une joie soumise qui n'exclut pas l'ironie. Marthe, créature combative, inflige les félicités d'un ton dur et d'un geste coupant.
    "Partie de pêche"
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