Le Sabotage amoureux, d'Amélie Nothomb (1993)
Une petite fille d'ambassadeur de Belgique (tiens, comme l'auteur !) passe du Japon à la Chine, et découvre un mode de vie étrange, en huis-clos hideux et cruel, où la beauté d'une autre petite fille, Elena, fille d'un diplomate italien, va tout illuminer.
J'ai toujours une appréhension, en commençant un récit d'Amélie Nothomb : je n'aime pas toujours, alors que l'auteur m'inspire une immense sympathie personnelle. Or je suis tombée sur un texte extrêmement bien conduit.
Même si la description d'une petite fille à la fois dure, d'un égocentrique inédit, même pour un enfant, me déconcerte autant que dans "La Métaphysique des tubes" (largement détesté, celui-là), j'y perçois mieux une logique humaine. La relation frustrante avec Elena attire la sympathie, les batailles rangées entre enfants des surveillants de la convention de Genève est d'un humour cruel délectable.
Il y a des pages sur la Chine et sur le cœur humain qui méritent d'être conservées :
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"L'erreur, c'est comme l'alcool : on est très vite conscient d'être allé trop loin, mais plutôt que d'avoir la sagesse de s'arrêter pour limiter le dégâts, une sorte de rage dont l'origine est étrangère à l'ivresse oblige à continuer. Cette fureur, si bizarre que cela puisse paraître, pourrait s'appeler orgueil : orgueil de clamer que, envers et contre tout, on avait raison de boire et raison de se tromper."
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"Si la Chine est presque absente de ces pages, ce n'est pas parce qu'elle ne m'intéressait pas (...). On commence à peine à comprendre que s'intéresser à la Chine, c'est s'intéresser à soi."
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"Et à l'exemple des maisons closes où le bourgeois va accomplir ses fantasmes les moins admis, la Chine devient le territoire où il est permis de se livrer à ses plus bas instincts, à savoir parler de soi. Car, par un travestissement bien commode, parler de la Chine revient presque toujours à parler de soi."