Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mots et Images
Mots et Images
  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
Newsletter
8 novembre 2010

Le Rapport de Brodeck, de Philippe CLAUDEL (2007)

BrodeckBrodeck est venu au village dont il sera question (lieu difficile à situer, sorte d'Alsace ou de région de Sudètes) quand il était petit, trouvé dans des décombres par Fédorine, qui s'attachera avec amour et discrétion à lui. Fédorine est une sorte de nourrice plus qu'une mère. Il épousera Emélia, douce brodeuse connue à "la capitale" où il fit des études payées par le village, et aura une petite fille "Poupchette", adorable et adorée.

Mais voilà que des années après, un "vrai" Fremdër arrive au village. Le roman commence au moment où Brodeck, le narrateur apprend que les hommes du village ont tué l'Anderer. Le maire du village demande solennellement et expressément à Brodeck de faire un rapport circonstancié qui expliquera tout ce qui s'est passé depuis l'arrivée de cet étranger, qui dessine tout, qui ne parle pas, qui n'a jamais dit son nom, qui promène son sourire et ses tenues extravagantes sans se justifier...

Bon gré, mal gré, Brodeck accepte et sent soudain comme une menace des villageois sur lui : suspicion, espionnage, confessions étranges... Il rédige alors un rapport parallèle, plus personnel, un bilan qu'il n'avait jamais fait, sur des propres rapports avec le village et notamment à ce qui put se passer avant et après son départ vers les camps de concentration... La parole libère.


Le suspense est tout de suite à couper au couteau : on est pris, comme dans un chapeau, par le talent de conteur de Claudel, qui nous promène comme Jacques le Fataliste promenait son maître, suspendu à ses paroles. Ce qu'on découvre du village et de Brodeck pétrifie d'horreur, parallèlement à l'horreur plus connue, mais toujours pas résolue, des camps de concentration. Qu'est-ce qui fait survivre ? Qu'est-ce qui fait mourir ? Pourquoi tous les renards meurent-ils ? Qu'est venu faire l'Anderer ? Pourquoi les villageois l'ont-ils tué ?... Les questions sont plus nombreuses, innombrables !

Quant au style, j'ai été séduite, complètement, moi qui l'avais été assez peu par La Petite fille de monsieur Linh, de ce côté-là, du moins. Des images à la fois simples et vives, des odeurs variées, comme les épices, des voix, l'auteur chante un vrai hymne à la vie dans un récit qui serre le cœur pourtant plus d'une fois. Un grand roman, à relire, une des découvertes de cette année pour moi.

Je l'ai découvert par un bookring (merci !) mais je viens de le racheter : je veux le garder !

Citations :

  • J'ai le sentiment que je ne suis pas fait pour ma vie. Je veux dire que ma vie déborde de toute part, qu'elle n'est pas taillée pour un homme comme moi, qu'elle se remplit de trop de choses, de trop d'événements, de trop de misères, de trop de failles. Peut-être est-ce ma faute ? Peut-être est-ce moi qui ne sais pas être un homme ? Qui ne sais pas prendre et laisser, faire le tri.

  • [Les cochons adultes] pourraient manger leurs propres frères, leur propre chair, ça ne les dérangerait pas, ils ne font pas différence. Ils broient, ils avalent, ils chient, ils recommencent indéfiniment. Ils ne sont jamais rassasiés. Et tout leur est bon. Car ils mangent de tout, Brodeck, sans jamais se poser de questions. De tout... Comprends-tu ce que je dis ? Ils ne laissent rien derrière eux, aucune trace, aucune preuve. Rien. Et ils ne pensent pas Brodeck, eux. Ils ne connaissent pas le remords. Ils vivent. Le passé leur est inconnu. Ne crois-tu pas que ce sont eux qui ont raison ?

  • Moi, j'ai choisi de vivre, et ma punition, c'est ma vie.
  • Poupchette aime beaucoup le marché et c'est pourquoi je l'y emmène presque chaque semaine. Les petits animaux tenus dans des enclos, chevreaux, lapins, poules, canetons, la font battre des mains, et rire. Et puis il y a les odeurs qui font frémir ses fragiles narines, de beignets, de fritures, de vin chaud, de marrons, de viandes qui grillent, et les sons aussi, les voix de toutes et de tous qui se mêlent comme dans une grande bassine, les cris, les appels, le bagout des camelots, les prières de vendeurs d'images saintes, les fausses colères qui entourent les marchandages. Mais ce que préfère Pouchette, c'est lorsque Viktor Heidekirch arrive avec son accordéon, et commence à lancer dans l'air quelques notes qui semblent parfois des plaintes, parfois des cris de joie. On lui faire place, on l'entoure, et soudain, la rumeur du marché paraît s'estomper comme si chacun attendait la musique et qu'elle devenait pour l'heure plus importante que tout.

Publicité
Commentaires
D
Nous avons tous ce problème ! Sans compter celui de la longévité, pas à la mesure de notre curiosité !
Répondre
P
Je n'ai pas encore lu grand-chose de Claudel mais les billets que je lis à gauche et à droite m'incitent à le rencontrer. Malheureusement j'ai trop peu de temps pour lire tout ce que je voudrais.
Répondre
Publicité
Archives
Publicité