Eldorado, de Laurent GAUDÉ (2006)

Ce roman commence comme un recueil de nouvelles. Nous faisons d'abord la connaissance du Commandant Piracci, un garde-côte à Catane, qui intercepte les bateaux, voire les barques, remplies de clandestins, entre soulagement d'être arrachés à la dérive, la faim et la soif et la crainte d'être renvoyés à leur pays d'origine, un peu plus pauvres et humiliés qu'avant. Sa rencontre avec une femme désireuse de se venger du trafiquant de clandestins à l'origine de la mort de son bébé le fait basculer... Parallèlement, nous allons suivre le parcours du frère de Jamal, qui, de Libye, va s'embarquer pour l'Europe... Deux droites parallèles se coupent à l'infini, dans un système euclidien...

---

Je trouve le sujet difficile, comme la juste tonalité à prendre. J'ai trouvé les situations sont tellement stéréotypées (pas du fait de l'auteur, qui se débat tant qu'il peut pour essayer de trouver une troisième voie) que parvenir à éviter le cliché n'était pas évident. Et Gaudé ne tombe pas toujours dedans et de moins en moins, à mesure que le récit choisit sa propre voie et que l'originalité de l'auteur trouve à se déployer. Il y a même des passages, entre prose brute et prose poétique, qui charment durablement. Il était très difficile de se frayer un chemin entre le tragique, l'épique et rester contemporain, près du fait, réaliste, à mon sens. Piracci se croit un anti-héros et il est encore autre chose !

Le croirez-vous, j'ai presque envie d'aller faire un tour à Lampedusa ou m'engager d'une manière ou d'une autre. Nous, Européens, avons notre part à prendre dans le drame qui se joue dans cette portion d'Italie abandonnée de tous. Cette poignée d'habitants a eu plus que sa part, s'est montrée plus que compatissante et solidaire, mais leurs forces ne sont pas à la hauteur de la misère à laquelle elles font face : il faut les soutenir et trouver des solutions humaines à ces désespoirs, bien souvent causés par la politique néo-libérale mortifère en vigueur dans notre continent.

Comments

[Philippe D]

Il y a peu de temps que j'ai rencontré L Gaudé à travers ses livres mais je trouve qu'ils marquent le lecteur, qu'on ne les oublie pas vite. un bon point pour lui.