Les Grands philosophes de la Grèce antique, de Luciano De Crescenzo (1983)
Encore un utilitaire de mes études qui n'a jamais été complètement lu et auquel je m'attèle in extenso sur le tard.
Comme le sous-titre l'indique, De Crescenzo (écrivain mais aussi acteur, metteur en scène italien) va traiter avec une légèreté qu'il revendique, de la philosophie grecque antique en partant des présocratiques jusqu'aux néo-platoniciens, en passant par les sophistes, Socrate, Platon et Aristote...
Si le ton est léger, la matière est sérieuse et il n'est pas de page, me semble-t-il, où l'auteur ne cite pas ses sources, tant par précision que parce que certaines anecdotes paraissent trop belles pour être vraies ; l'une d'elles, utilisée en abondance, est La Vie des philosophes, de Diogène Laërce. Certaines réparties des philosophes, leur sagesse, leurs petits (et grands) travers sont succulents. On a envie à presque toutes les pages de relever des citations.
Mais De Crescenzo ne fait pas qu'une galerie de portraits : non seulement il s'attache à une synthèse de la doctrine de chacun, mais il n'hésite pas à comparer les uns aux autres, soit par parenté d'idées, soit au contraire pour en montrer la divergence ou l'évolution. J'avoue que j'ai beaucoup appris sur les liens entre les philosophes, qui fréquentait qui et qui influença qui. C'est ce qui, à mon sens, est un sérieux avantage par rapport à beaucoup d'ouvrages synthétiques.
Ne vaudrait-il pas mieux aller directement lire la doctrine de chacun à la source de leurs œuvres ? Sans doute est-ce une démarche d'autodidacte, d'érudit ou de spécialiste. Mais pour un néophyte qui ne tient pas plus que ça à devenir érudit, je pense que cet ouvrage est l'idéal pour se déniaiser tout en s'amusant.
Il y a, en chapitres intermédiaires ludiques, aussi des anecdotes tirées de la Naples contemporaine où Luciano De Crescenzo nous montre les descendants, sinon physiques du moins spirituels des philosophes grecs. Ainsi voyons-nous Peppino Russo ou Tonino Capone pour les présocratiques, Sciciò ou un cynique napolitain, la maestro Riccardo Colella ou l'éloge du doute, et j'en passe... Ce parti pris vient sans doute de ce que De Crescenzo professe : "(...) je voudrais ici, à la face des doctes et des importants, pouvoir te démontrer que, parfois, la philosophie grecque peut être également drôle et facile à comprendre. Certains philosophes en particulier, après t'être familiarisé quelque temps avec eux, s'avéreront pour toi si proches que tu finiras même par découvrir chez eux des ressemblances avec les gens de ton entourage. Aristotéliciens, platoniciens, sophistes, sceptiques, épicuriens, cyniques, cyrénaïques pourraient devenir, si tu t'en sers pour caractériser la personnalité de quelqu'un, des points de repère plus efficaces que les signes du zodiaque (note perso : l'auteur fait la satire en clins d'oeil de l'astrologie en son ouvrage, tout en feignant de la considérer). Inutile de le nier : nous sommes les descendants directs de ces messieurs !"
Pour finir, je dirai que jamais le monde ne m'a paru avoir besoin de la sagesse grecque antique, non pour s'y convertir, mais pour se poser simplement des questions sur sa vie et son sens, sur ce qu'est le bonheur et sur les moyens que nous avons ou nous nous donnons pour y parvenir.