Detachment, de Tony KAYE (2011)
Henry Barthes (Adrien Brody, oui, vous l'avez déjà vu, il était Le Pianiste chez Polanski) est un professeur remplaçant dans la banlieue de New York. Il doit rester un mois dans un Lycée difficile, où certains de ses élèves semblent écorchés vifs, tout en allant voir son grand-père dans sa maison de retraite. Il recueille une jeune prostituée de l'âge de ses élèves après que celle-ci s'est fait violer et lui permet ainsi d'avoir une attache...
MON AVIS
Remplaçant, un curieux choix, tant les professeurs semblent souhaiter, au contraire, un poste fixe. On comprend assez vite que l'intérêt peut être, justement, de ne pas assister aux piètres résultats de ses efforts, glisser, ne faire que passer pour ne pas être blessé, atteint par la douleur de ces enfants, mais pouvoir, peut-être se permette d'appuyer un peu plus fort. Le corps enseignant, éducatif, en général dans ce film, semble être sur la brèche et colmater, empêcher toujours le pire de se produire, suivant en cela leur vocation première et en même temps sans se faire beaucoup d'illusions, se blindant d'avance contre l'échec en ironisant, en explosant, en implosant, en respirant... selon le genre. Ce qu'ils n'avaient pas prévu, comme le dit une voix off, c'est qu'il faudrait lancer une bouée à eux aussi, à eux qui se rêvaient sauveteurs... Ainsi, on voit les "trucs" de ces urgentistes : les phrases et photos-choc du CPE qui veut obtenir d'une élève qu'elle se promène en tenue décente, le discours de rentrée du remplaçant, qui sait qu'il n'obtiendra aucune adhésion sans ça :" Je n'ai qu'une règle, une seule, ceux qui ne veulent pas être ici, sortez" (on en rêve tous), les propos inattendus, paradoxaux, entre démagogie et baffe, afin de toujours éveiller l'attention, l'intérêt de jeunes à qui on ne la fait plus, parce qu'on la leur a trop fait. Une scène à la fois déprimante et jubilatoire, le "pétage de plomb" de la conseillère d'orientation. Et les élèves, dans tout ça ? On a vraiment l'impression d'un endroit où l'on occupe plus les élèves qu'on ne leur enseigne quoi que ce soit, où l'on fait la garderie, ce qui est finalement la seule chose que demandent les parents avec véhémence, les deux seules fois où l'on en voit.
Or il se trouve que les professeurs ont eux-mêmes leurs failles personnelles et c'est le cas d'Henry Barthes, obsédé par les images de sa mère suicidaire, trouvée morte à cause d'un secret de famille et qui ne voit pas une urgence sous ses yeux, comme le dessine une élève douée en arts plastiques... Ce détachement qui est une question de santé mentale peut mettre en danger la vie d'autrui.
Une mention spéciale pour la jeune prostituée (Sami Gayle), attachée, attachante, qui vous tire les larmes des yeux plus d'une fois...
Une autre mention spéciale, encore surréaliste en France, mais au train où ça va, je ne désespère pas : une réunion où l'on demande aux professeurs d'améliorer leurs résultats car... les contre-performances aux tests des élèves fait baisser la cote à la vente des habitations du quartier !
Bande-annonce du film.