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Mots et Images
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  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
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24 avril 2012

A l'Ouest, rien de nouveau, d'Erich Maria REMARQUE (1929)

ouest-rien-nouveau004Paul Baümer, un jeune Allemand, a été chapitré, harcelé, fanatisé, exhorté, exalté par son maître d'école, M. Kantorek, en compagnie de toute sa classe, pour aller sur le front de la guerre 14 en tant que volontaire. L'un de ses camarades, Behm, n'avait aucune envie d'y aller (comme l'auteur) et l'avait même exprimé, de plus, il n'avait pas encore l'âge de l'engagement ; il est mort le premier. La jeune compagnie, éberluée, horrifiée, furieuse, entre la solidarité, la rage de survivre, le sentiment d'humanité commune avec les Français, subit chaque jour de guerre, et son lot de morts, de mutilés, d'agonisants, de terreurs, et souffre encore plus des permissions, des répits qui ne rendent le retour au front que plus difficile...


J'ai un très vieux rendez-vous avec ce livre, aperçu relié dans la bibliothèque de ma mère, mais que le hasard va mettre entre mes mains dans une édition originale qui ne m'a rendu la lecture que plus poignante. Les larmes ont souvent coulé en lisant, car l'auteur s'est visiblement inspiré de son vécu et le mot "vécu" ne convient pas à cette antichambre de la mort, où le pathétique seul a cours. Le narrateur a particulièrement pitié des jeunes recrues, des prisonniers russes, des blessés, des mourants, de cette part d'innocence qui ressort dans l'oeil de tous les humains qui vont mourir. Parallèlement, sa mère se meurt, comme celle de l'auteur en ce temps-là.

Comment un jeune coeur, une jeune tête peuvent revenir indemnes, respectueuses des anciens, des responsables, des maîtres, de tout ce qui a autorité, donc responsabilité, d'une expérience pareille ? A cette question, l'auteur répond visiblement que c'est impossible. Les jeunes survivants se vengent cruellement de Kantorek, par exemple, et se posent des questions très profondes sur les causes du conflit, envisagent que leurs ennemis, les Français, sont tout aussi victimes qu'eux d'une raison d'Etat vraiment sujette à caution.

AllQuietWesternFrontJ'ai lu ensuite que les nazis ont violemment protesté contre ce livre pacifiste, que la sortie du film a donné lieu à des émeutes et qu'il a même perdu la nationalité allemande en 1938... J'estime paradoxalement que ce livre constitue peut-être le meilleur avocat pour cette jeunesse perdue qui a cru retrouver un "guide" qui ne s'était pas compromis avec l'ancienne élite qui les avait menés où ils ont souffert loin de toute humanité ; que cela ne les dispense pas, justement, d'agir ensuite avec humanité envers tous ceux qui souffrent, tombe certes sous le sens qui n'a pas été toujours commun...

Je pourrais faire des citations des passages qui ont fait couler mes larmes ou m'ont fait frémir de colère rétrospective devant l'horreur perpétrée par ceux qui détenaient le pouvoir à l'époque (sans compter que devant tout Français tombé, je me demandais si l'un d'eux n'était pas de ma famille proche ou alliée), mais ce serait trop dur pour vous, à froid. Alors je cite un passage de la fin qui résume un peu la question :

  • Je suis jeune, j'ai vingt ans ; mais je ne connais de la vie que le désespoir, l'angoisse, la mort et l'enchaînement de l'existence la plus superficielle et la plus insensée à un abîme de souffrances. Je vois que les peuples sont poussés l'un contre l'autre et se tuent sans rien dire, sans rien savoir, follement, docilement, innocemment. Je vois que les cerveaux les plus intelligents de l'univers inventent des paroles et des armes pour que tout cela se fasse d'une manière encore plus raffinée et dure encore plus longtemps. Et tous les hommes de mon âge, ici et de l'autre côté, dans le monde entier, le voient comme moi ; c'est là la vie de ma génération, comme c'est la mienne. Que feront nos pères si, un jour, nous nous levons et nous nous présentons devant eux pour réclamer des comptes ? Qu'attendent-ils de nous lorsque viendra l'époque où la guerre sera finie ? Pendant des années nous n'avons été occupés qu'à tuer ; ç'a été là notre première profession dans l'existence. Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu'arrivera-t-il donc après cela ? Et que deviendrons-nous ?
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