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12 novembre 2012

Les Phéniciennes, d'Euripide (410 ca avant J.-C.)

euripideIIOn apprend quand on découvre Antigone d'Anouilh (tarte à la crème des classes de 3ème) sans s'en montrer très surpris, qu'Etéocle et Polynice se sont entretués parce qu'Etéocle n'avait pas voulu respecter la convention de régner un an à tour de rôle avec son frère Polynice. Le prologue de Jocaste (Tiens, elle ne s'était pas tuée finalement ? - Ben non !) nous explique le fin mot de l'histoire ;  les deux frères avaient ainsi cherché à contourner la malédiction de leur père Oedipe, qui affirmait que se retrouver côte à côté causerait leur mort. Enfin ! voilà quelques années que je relis une à une toutes les tragédies antiques et il n'y a qu'ici que je trouve enfin des explications sur cette curieuse convention.

Mais ce n'est pas tout à fait la question.

eteocle-polyniceSous les yeux atterrés de Thèbes, son roi Etéocle et son challengier Polynice meurent en combat singulier, entretués. La chorégraphie sanglante qui les mène vers leur double mort est relatée de manière très crédible et graduée. Créon, qui a perdu son fils Ménécée, égorgé dans la grotte de leur ancêtre le dragon, reconnaît que cet Oedipe porte malheur à Thèbes et l'exile ; Antigone quitte la ville avec lui, renonçant à son mariage avec Hémon, mais pas à enterrer dignement Polynice, comme elle le marmotte en emboitant le pas à son père.


Contrairement à ce que j'ai dit plus haut, ça m'a fait vraiment drôle de voir Jocaste en vieille mère vivante retrouvant avec joie son fils Polynice... et les embrassements maternels qu'elle évoque en le revoyant... mettent un peu mal à l'aise. Ce qui surprend, c'est qu'Oedipe est présenté comme encore plus délabré qu'elle... mais quel âge ont-ils donc... pour avoir des enfants si jeunes ?...

Euripide, par les yeux de Jocaste, par les yeux d'Antigone, prend nettement parti pour Polynice, que l'on a présenté parfois comme le "mauvais fils", celui par qui le scandale arrive, celui qui n'est pas du côté de l'ordre établi... alors que c'est pratiquement le contraire, selon l'auteur. Mais arriver en armes contre sa patrie pour obtenir réparation est l'erreur fatale qui a disqualifié sa juste cause.

Comme souvent, c'est un texte très politique, très beau. Les stasima des Phéniciennes (choeur peu plaqué des captives venues pour être servantes de Phébus ; faut-il y voir une étymologie de fantaisie avec leur nationalité ?) sont magnifiques. Une chose est certaine : la Phénicie est la patrie de Cadmos, le fondateur de Thèbes. Il ne faut sans doute pas chercher plus loin.

Citations :

  • Ô Rocher rayonnant, éclat des deux sommets, dominant la cime où Dionysos mène ses orgies, cep merveilleux qui fait mûrir pour chaque jour à peine sortie du bourgeons, une grappe lourde de fruits, repaires divins du dragon, rocs escarpés d'où les dieux nous observent, accordez-moi, délivrée de la crainte présente, de dérouler les chœurs pour Apollon, près de la grotte au centre de la terre, une fois quittées les eaux de Dircé. (Epode)
  • Pourquoi, mon enfant, accorder ton cœur à la plus malfaisante démone, l'Ambition ? Ne fais pas cela. Elle est tout injustice. Elle visite des maisons et des villes heureuses pour y laisser la ruine derrière elle. C'est elle qui t'égare. Bien plus digne d'honneur est l’Égalité qui lie à jamais les amis aux amis, les cités aux cités, les alliés aux alliés. L’Égalité pour l'homme est une haute loi ; mais contre Plus, Moins toujours part en guerre et donne le signal des jours de haine. L’Égalité gouverne les mesures, les poids et les nombres, qu'elle divise en leurs parties exactes. (...) La Royauté, qui est injuste avec bonne conscience, pourquoi tant l'honorer et la mettre si haut ? Attirer les regards ? à quoi cela sert-il ? Vanité pure. Qui possède beaucoup a beaucoup de soucis. C'est cela que tu veux ? Avoir plus, qu'est-ce donc ? Rien qu'un mot. Le sage se contente de ce qu'il faut pour vivre. (...) Quelle opulence est stable ? Toutes sont éphémères. (Premier épisode, Jocaste)
  • Citoyens de l'illustre Thèbes, regardez cet Œdipe qui comprit la fameuse énigme, et qui fut le plus grand des hommes. A moi seul j'ai mis fin au pouvoir de la Sphinx sanguinaire. Me voici ravalé, misérable, exilé. Mais à quoi bon me plaindre ? Je me lamente en vain. Ce qu'imposent les dieux il faut le supporter quand on n'est qu'un mortel. (Exodos, Œdipe)
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