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Mots et Images
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  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
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2 mai 2013

Julien, de Gore Vidal (1962)

julienJulien est le neveu de l'empereur Constance. La religion des empereurs romains est, depuis la conversion de Constantin, le christianisme ; Julien est élevé ou plutôt, éduqué dans cette idéologie, qu'il déteste très vite. Son père a été tué par Constance, soucieux de ne pas se voir opposer la légitimité, mais Julien et son demi-frère Gallus sont épargnés à cause de leur jeune âge. Gallus se fera vite champion de la religion chrétienne, par opportunisme car il est cruel et débauché et son règne en tant que César est une catastrophe.

Au grand dam de Julien, qui se serait bien vu étudiant à vie à Athènes ou Antioche, ne serait-ce que pour être sûr de sa liberté de penser et de sa survie, tout court, Constance semble avoir des projets pour lui. Il est expédié en Gaule en tant que César. Malentendu : Constance entendait y envoyer un homme de paille, Julien croit qu'on attend de lui d'y faire ses preuves en tant qu'homme d'armée... en tant que César, en somme ! Et finalement, sapant le travail des espions, court-circuitant préfets et généraux, Julien fait valoir ses qualités militaires. Quand il est proclamé Auguste par son armée, sans l'avoir cherché, au moment où Constance cherche à la disperser, justement pour éviter cette situation, il doit faire un choix... Devenir empereur serait un moyen inespéré de mettre un coup de frein au christianisme et réhabiliter le culte des dieux "païens" (je mets cette appellation entre guillemets, car c'est un nom donné par les chrétiens ; les "païens", eux, préfèrent le terme "hellénisme" pour parler du polythéisme gréco-romain).


Le récit est très habilement construit : Gore Vidal imagine que d'anciens suivants de l'empereur Julien, dit "l'Apostat" par les chrétiens, Priscus, un philosophe athée, et Libanios, un rhétoricien de talent, plus mystique, relisent, en 380, sous Théodose, le manuscrit caché du journal de Julien, mort au combat en 363. Libanios demande à Priscus d'annoter et de compléter, voire même d'amender s'il voit des choses à dire. C'est grâce à eux qu'on comprend beaucoup de choses, notamment que Julien, capable de tant de lucidité quand ils s'agissait des chrétiens, était symétriquement manipulé par des charlatans, Maxime et Sosipatra, et leurs prédictions concertées.

Cette polyphonie est passionnante et parfois très drôle, toujours érudite, vivante en diable et, même si ces mémoires de Julien sont bien évidemment apocryphes, j'ai appris des tas de choses que j'ignorais... alors même que de toutes les périodes antiques, c'est bien l'Antiquité tardive orientale que je maîtrise le mieux. Je mesure le chemin qu'il me reste à parcourir ! Et même sur les chrétiens de ce temps, que Julien appelle "les galiléens", tout comme il appelle leurs églises "charniers" à cause des reliques qu'elles contenaient déjà, tant de choses restent à éclaircir !

Citations :

  • On a beaucoup surestimé Marc-Aurèle en tant que philosophe. Les gens - et surtout les érudits - sont si excités de voir un empereur qui sache écrire son nom qu'ils ont tendance à exagérer la valeur de ses productions littéraires. Si toi ou moi avions écrit ces Méditations, elles ne seraient pas, j'en suis certain, considérées comme d'une grande valeur.
  • Les évêques, bien entendu, ont tendance à écarter les nombreuses contradictions qu'on relève dans leurs livres sacrés en y voyant les signes d'un divin mystère plutôt que la preuve éclatante que leur religion est d’essence humaine et bonne pour des esclaves et des femmes sans instruction.
  • Malgré tout ce que Julien a écrit sur le sujet, je n'ai jamais bien compris pourquoi il s'est tourné contre la religion de sa famille. Après tout, le christianisme lui offrait pratiquement tout ce dont il avait besoin. S'il voulait symboliquement absorber une part du corps d'un dieu, pourquoi ne pas demeurer avec les chrétiens et manger leur pain et boire leur vin, au lieu de revenir au pain et au vin de Mithra ? Ce n'est pas comme s'il manquait quelque chose au christianisme. Les chrétiens ont habilement incorporé dans leurs rites la plupart des éléments populaires des cultes de Mithra, de Déméter et de Dionysos.
  • S'il est vrai qu'aucun homme instruit ne peut accepter l'idée d'un rebelle juif considéré comme un dieu, comment peut-on croire, après avoir repoussé ce mythe, que le dieu héros persan Mithra est né de la foudre frappant le rocher, le 25 décembre, en présence de quelques bergers ? (On me dit que les chrétiens viennent d'ajouter les bergers à la scène de la naissance de Jésus.) (...) que son sang donne du vin ; (...) que Mithra est alors appelé au ciel après avoir célébré un dernier souper sacramentel ; que la fin des temps sera le jour du jugement où tous les morts se lèveront de leur tombe et où les méchants seront anéantis alors que les bons vivront à jamais sous la lumière du soleil ?
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