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26 juillet 2021

Lettres à Malesherbes, de Jean-Jacques ROUSSEAU (1762)

M02253088870-sourceQuand Rousseau se retira à Montmorency (avant de devoir fuir, en juin 1762, en Suisse), il ne fit qu'exciter contre lui ses "ennemis" qui n'y virent qu'une pose orgueilleuse et une excentricité (de plus). Le Président Malesherbes venait courageusement de l'aider à publier Emile et le Contrat social, qui furent jugés subversifs ; la "profession de foi du vicaire savoyard" indisposa les philosophes matérialistes contre lui. Malesherbes crut qu'il l'apaiserait en lui expliquant ces raisons-là tout en disant qu'il le comprenait, lui. Las, cela ne fit qu'ulcérer Rousseau encore plus, qui lui écrivit alors quatre lettres pour se justifier encore.

 Ses arguments, contrairement à d'autres dans les Dialogues, sont d'une logique qui m'y font adhérer ; et, une fois n'est pas coutume, comme il les sent forts, son sourire affleure, dans la Première lettre.

On tient là la quintessence des oeuvres autobiographiques qui côtoyèrent et suivirent (l'apparat-critique de... soutient qu'elle les précède) l'incroyable et originale floraison philosophique de Rousseau, comme si, ayant dit tout ce qu'il avait à dire, il n'avait guère plus qu'à gloser sur lui-même... ou si, incapable de faire face aux jugements négatifs (et aux dangers politiques, ne diminuons pas les raisons de ses craintes), son besoin de se justifier avait étouffé sa veine philosophique. Il est certain que l'épigramme de Diderot "Il n'y a que le méchant qui soit seul", quand on sait que, si Rousseau est sûr d'une chose, c'est qu'il n'est pas "le" méchant dans l'histoire, l'a mis au supplice ; les lettres bien intentionnées de Malesherbes, qui estime mal venue sa retraite, ont ravivé cette certitude qu'elle jouait contre lui.

On peut être choqué par ce mélange de vanterie (il est ce qu'il a rencontré de meilleur) et d'humilité (il ne veut pas passer pour meilleur qu'il n'est, il est mû par la paresse) de Rousseau dont on peut l'excuser simplement parce qu'il en est certain et il veut vitam impendere vero, à savoir consacrer sa vie à la vérité... cette dernière le justifiant !

Ces lettres ne m'ont pas appris tellement plus que ce que je savais ni l'apparat-critique, mais ce dernier était aussi agréable à lire et intéressant qu'elles et avait le mérite d'une synthèse fort bien faite, précédée d'un florilège de textes et d'extraits de correspondance incontournables (que je connaissais aussi, mais que je serai bien contente d'avoir réunies sous la main). Je ne regrette donc pas cette lecture, persiste à me dire très intéressée par Rousseau "malgré tout" et résolu à continuer à explorer son oeuvre, notamment l'Emile, son oeuvre majeure, selon Rousseau, que je n'ai pas fini et qui manque à ma bibliographie.

Citations :

  •  [I]l n'est point du tout croyable qu'un homme qui se sent quelque talent et qui tarde jusqu'à quarante ans à se faire connaître soit assez fou pour aller s'ennuyer le reste de ses jours dans un désert, uniquement pour acquérir la réputation d'un misanthrope. (Première lettre)
  • Il est certain que cet esprit de liberté me vient moins d'orgueil que de paresse ; mais cette paresse est incroyable : tout l'effarouche, les moindres devoirs de la vie civile lui sont insupportables. (Première lettre)
  • Mes maux sont l'ouvrage de la nature, mais mon bonheur est le mien. (Deuxième lettre)
  • Cet intérêt pour l'espèce suffit pour nourrir mon coeur ; je n'ai pas besoin d'amis particuliers mais, quand j'en ai, j'ai grand besoin de ne les pas perdre, car quand ils se détachent, ils me déchirent. (Quatrième lettre)
  • [Mes amis] n'ont pas précisément cessé de m'aimer ; j'ai seulement découvert qu'ils ne m'aimaient pas. (Quatrième lettre)
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