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Mots et Images
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6 août 2021

Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiler (2014)

9782253185536-TJe n'avais aucune bonne raison de lire cette confession surfant sur le scandale et l'indiscrétion (avec toutes les lectures professionnelles qui m'attendent), d'autant que, comme la plupart des Français, cette dame (ou son image publique) ne m'inspirait guère de sympathie , j'avais plutôt de la curiosité, et du soulagement d'avoir enfin une oeuvre brève et facile à lire. En réalité, j'ai fini par admettre qu'il s'agissait d'un droit de réponse différé par les circonstances, parfaitement légitime, plus qu'un désir de nuire après une humiliation publique.

On connaît tous plus ou moins l'affaire : sur fond de ragots intimes, entre deux présidentielles, une candidate, Ségolère Royal, se sépare de son compagnon, surnommé Cécilio par les médias, qui devient candidat à la présidentielle suivante et fait sortir du bois sa liaison d'alors, Valérie Trierweiler, journaliste à Paris Match. Les gens se sentent toujours obligés de prendre parti dans les histoires de moeurs qui viennent à leurs oreilles et, outre le parfum de scandale attaché à la "briseuse de ménage", les adversaires politiques de François Hollande tâcheront également de l'atteindre à travers sa compagne.

Valérie Trierweiler, dans une narration jouant avec les temporalités, comme à bâtons rompus, montrera comment, incrédule d'abord, ayant appris à mépriser les ragots sans fondement, terrassée ensuite, elle sut que son présidentiel compagnon lui était infidèle depuis plus d'un an. Avec naturel, elle remonte le temps de tout ce qu'elle n'avait pas su voir, puis les causes du désamour, très fortement liées à l'image toujours plus écornée d'elle dans les médias - virago, briseuse de ménage-mais-jalouse-en-plus, vindicative, qui firent qu'Hollande se résolut à se séparer d'elle pour des raisons au moins autant politiques que privées, sinon plus.

Je reconnais avoir lu avec un grand intérêt, relaté de manière circonstanciée, "l'affaire du tweet" ; on a beau le retourner dans tous les sens, comprendre ses bonnes raisons, elle comprend elle-même qu'il n'a pu être perçu (et instrumentalisé politiquement) que comme un mouvement de basse jalousie féminine : on a l'historique des promesses non-tenues de Hollande à Falorni et à l'autrice, de ne pas intervenir dans l'élection, dont elle a tenté de se désolidariser sans en voir immédiatement la dangereuse maladresse. On comprend que la presse de tous bords s'en soit emparée : dans le pays du charivari, cette "First Girlfriend" qui se mêle d'élections (le Président aurait bien dû rester neutre lui-même, elle a fait "paratonnerre") fut la cible d'attaques aussi bien de la majorité que de l'opposition (trop heureuse de carboniser un président déjà réputé empêtré dans des histoires de bonnes femmes).

Je ne supporte pas qu'on ait importé dans le pays cette fonction de "Première Dame", qui n'a aucun fondement constitutionnel dans une République digne de ce nom (numérotera-t-on toutes les "dames" ? sur quels critères ? qui sera la dernière ?...) et j'ai failli faire des loopings quand l'actuel Macron a tenté de créer le statut pour son épouse - avec rémunération à l'appui. Rien ne les oblige à jouer les dames patronesses, si elles le font, selon moi, ce sera gratuitement - contre le défraiement dont elles bénéficient du fait de coucher officiellement avec l'Elu - ou qu'elles retournent faire du tricot à l'Elysée. Je suis un peu piquée de voir que l'autrice, qui se défendait du titre, le manie en réalité avec naturel dans son texte et s'en trouve relativement fière.

Autres réactions d'ordre moral et non pas littéraire de ma part : quand elle lance une pique à l'officier qui avait apporté des viennoiseries à Julie Gayet, et qu'il a les larmes aux yeux, elle ne se soucie pas de ce que signifient ses larmes. A-t-elle conscience de la double humiliation, née de l'injustice que peut ressentir un officier (un militaire de haut rang) qui croyait servir la France et qui est obligé de faciliter la débauche de ses élus et réduit à acheter des croissants, humiliation qu'elle accroît par sa colère dirigée contre lui, comme s'il avait eu le choix ?

Une petite confidence personnelle : elle est comme moi une déclassée par les études, et j'ai souvent éprouvé ce décalage d'avec les brillants bourgeois "éduqués" et homogènes en leurs goûts et talents que j'ai dû alors côtoyer, avec la terreur de ne parfois pas percevoir ce décalage, comme pour la mauvaise haleine, mais que les autres la sentent. Ma solution, bien triste, je vous l'accorde, a été de m'en tenir à la fréquentation des transfuges (pas si rares, grâce à l'inflation des années 80, qui a hissé artificiellement beaucoup d'individus, mais dont les petits-enfants décherront symétriquement avec la déflation et de démantèlement des services publics) ; Valérie Trierweiler s'est jetée courageusement dans le grand bain, et aidée d'une tendance à se taire, s'y est mieux camouflée que je n'aurais su le faire. Elle confesse la situation avec beaucoup d'humilité, sans fausse humilité, et assume avec amour sa famille, ce qu'elle a dû faire pour juste pouvoir étudier et le facteur chance. En cela, elle m'a touchée, je ne le cache pas.

Citations :

  • Je dois essayer les rappels à l'ordre de tous les hauts personnages de l'Etat et des ténoirs du PS. C'est à qui aura la petite phrase la plus dure à mon égard : Jean-Marc Ayrault, Claude Bartolone, Matrine Aubry, François Rebsamen et j'en oublie. Je connais le jeu politique. J'ai été quinze ans journaliste dans ce domaine. Je sais qu'aucun d'entre eux ne se serait persmis ces attaques sans l'aval de François. L'un de mes amies me dira plus tard cette phrase terrible : "C'est Hollande lui-même qui a délivré le permis de tuer."
  • Je connais peu [Valérie Toranian], mais je trouve que cela aurait eu du sens et de l'allure, une nouvelle Françoise Giroud. François me répond :
    - Je ne peux pas faire ça à Giesberg.
    Franz-Olivier Giesberg, alors directeur du Point, est le compagnon de Valérie Toranian. Dans l'esprit de François, qui connaît le problème pour l'avoir vécu, FOG aurait forcément vécu la promotion de sa compagne [au Ministère des Droits de femmes] comme un camouflet personnel. Solidarité de machos.
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