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  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
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7 août 2021

Le Consentement, Vanessa Springora (2020)

M02246822696-largeLe Consentement, c'est un titre que j'avais très mal compris, malgré plusieurs émissions très intéressantes faites avec l'autrice.

Nous sortions d'une proposition de loi sur l'abaissement ou plutôt la fixation d'un âge "du consentement" de "l'objet" de la séduction d'un majeur sur un mineur ; j'avais donc cru comprendre que Vanessa Springora évoquait son consentement aux avances puis à la liaison proposée par G. M., un écrivain ayant vécu pour moitié du monnayage littéraire de ses expériences pédophiles. Ainsi le présente-t-elle, ainsi ai-je envie de le retenir.

Son plan est analytique autant que narratif. Elle commence par présenter le terrain favorable à un tel consentement : une vision brouillée de ce qu'est un couple, des confusions des rôles, un père absent. Enfin, elle déroule le processus "d'emprise" de ce qu'elle appelle un "éphébophile", la pédophilie, dans son cas, lui paraissant assez inexacte, et je suis d'accord avec elle. Puis le processus de "désemprise", extrêmement long et douloureux, compliqué par le fait de l'impunité de ce délit (crime ?) du fait de l'appartenance à la caste des artistes de son suborneur, de sa célébrité qui l'empêche, elle, d'échapper à la notoriété, et du fait que leur liaison a été transformée en matière littéraire sans que rien ne puisse être fait pour l'en empêcher.

On comprend à ce stade plusieurs choses, qu'elle avait d'ailleurs annoncées dès le début de l'oeuvre : elle lui rend la monnaie de sa pièce. Enfermé à son tour dans une oeuvre littéraire par celle à qui il avait ôté toute envie d'écrire longtemps, manipulateur, infidèle, pédophile, piètre amant, abusif, le voilà empêché de répliquer, d'interdire, de censurer : elle aussi, est un écrivain.

Depuis tant d'années, je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu'au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l'enfermer dans un livre.


J'ai lu sur l'abus, la pédophilie, etc. bien des livres et il est le premier qui ne présente pas les choses d'une façon ambigüe, vaguement excitante. L'interdit, le transgressif, la jouissance, le sentiment (fugace) de supériorité sur le destin, n'y sont pas auréolés d'un nuage fantasmatique. La position de l'autrice y est claire, même s'il lui arrive de rendre à G. M. ce qui lui revient qui ne soit pas blâmable ou répréhensif dans un brûlot. Le texte est tout de même clairement à charge, même si elle ne lui fait pas porter la responsabilité de tout son malheur : elle fait un tableau plus qu'un portrait. Même si le ton est parfois sarcastique, ironique, on ne trouve pas de volonté de forcer le trait pour les besoins d'une éventuelle satire, cela reste un récit... Les faits en eux-mêmes sont suffisamment énormes.

Elle a consenti (mais démonte le biais qui fait que G. M. n'a pas été techniquement un violeur, de même qu'il n'est techniquement pas le violeur d'enfants de Manille dont il achète les faveurs), sa mère, incapable de résister à une adolescente, a consenti, son père, malgré des moulinets des bras, a consenti de fait, l'ensemble du monde littéraire (en dehors de Dominique Bombardier) a consenti, le système judiciaire, malgré quelques lettres de corbeaux et le secret de Polichinelle jusqu'au collège où elle étudiait, a consenti...

C'est bien écrit, pensé, sans fioritures ni effets tape-à-l'oeil. J'espère qu'une fois sa vengeance suffisamment savourée, Vanessa Springora gardera son élan d'écriture tardif et sa verve pour d'autres oeuvres.

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