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3 novembre 2021

Le Traître et le Néant, de Gérard Davet et Fabrice Lhomme (2021)

Le-traitre-et-le-neantPeut-être ai-je bien lu ce qu'on appelle un "brûlot", vu que le livre, à peine publié, était épuisé et que j'ai dû le traquer, non pas sur internet où régnait bien la pénurie, mais dans les libraries physiques de mon département, qu'il était vilipendé sur les réseaux sociaux, à peine sorti, par des gens sans arguments...

Le meilleur que je donnerais contre lui est que, lorsqu'on a lu Crépuscule, on a déjà beaucoup d'éléments sur le Président de la République française actuel. Cette enquête, pour laquelle "cent dix témoins de premier plan" ont été auditionnés et prévenus qu'il n'y aurait pas de off, ni de relecture avant publication, a cependant sont intérêt propre. J'avoue être beaucoup plus choquée et écoeurée en lisant ce texte-là. J'y ai trouvé la confirmation de ce que malgré ses gesticulations et d'autres analyses tordues, cet individu est bien de droite (la question est longuement débattue dans la première partie, probablement à cause des fascinations pour les étiquettes et le déni des faits, qui a régné au PS) mais il est tout sauf une personne qui mérite d'être à la magistrature suprême et il ne peut qu'y faire des dégâts, probablement irréversibles. Que certains qui l'ont approché, jugent qu'"il n'a pas de surmoi" explique à la fois tout ce qu'on constate, et rend la situation glaçante.

L'inconvénient de tant de témoins - et de la crainte parfois exprimée sans détour de subir la vindicte du président - c'est qu'ils se contredisent : tantôt Macron est un pur technocrate qui n'a rien compris à la politique ni à son propre pays, tantôt il est le seul politique de son équipe et toute la faute est mise sur son état-major, tantôt il a une vision, tantôt, il n'en a aucune et navigue à vue, tantôt il est cash et brut de pomme, tantôt il est incapable de dire son fait aux gens... Surprenant...

Je trouve que l'exposé des faits (et des forfaits), des trahisons (les petites comme les impardonnables) va beaucoup plus loin que chez Branco (qui dénonçait un système plus que la personne : "Ils ne sont pas corrompus, ils sont la Corruption"), avant même la page 100, la certitude vient que cet homme ne doit pas être réélu, faute de pouvoir le destituer pour haute trahison.

Le tableau est parfois cruel : une sorte de séducteur de puissants ("de vieux", disent-ils, mais ce sont les mêmes !), atteint d'histrionisme, plein de fausse chaleur avec des yeux froids (unanimité absolue sur le sujet) qui le dénoncent depuis le début, d'une hypocrisie éhontée, et sans scrupules. Une araignée qui met à profit ses nuits de quatre heures pour passer à la fois pour une bonne vivante et pour avancer ses pions, engluer la toile qu'elle tisse l'air de rien, en même temps que sa danse des sept voiles devant ceux dont elle a besoin. Ça, c'est pour la partie "Le Traître", qui radiographie, de manière répétitive, car au prisme des regards de différents témoins, la façon dont notre Rastignac s'est issé d'épaules en épaules et a constitué son mouvement avec de jeunes gens assoiffés de nouveauté et de pouvoir.

La deuxième partie, "Le Néant", s'intéresse à ce qui s'est passé après l'élection et là, j'avoue que je suis en terra incognita, même si je connais les différents faits : Benalla, les Gilets Jaunes, les différents limogeages... Une chose qui me paraît soudain inouïe, mais pas invraisemblable : il semble que ce "séducteur" aux yeux froids soit plus doué pour amener autour de lui, pour manipuler, que comme "DRH", pour reprendre l'image de plusieurs témoins. Une fois autour de lui, une sorte de "darwinisme" s'opère, ses ministres, secrétaires d'Etat, candidats à différents postes doivent se débrouiller, malgré une illusion de lien et de discussion. Sa méfiance envers les corps intermédiaires, les journalistes, dont la lecture l'aiderait indiscutablement, son goût pour l'improvisation et son incapacité à tenir un planning, appelée gentiment "être maître des horloges" (il faudra que je la ressorte la prochaine fois que je ferai défaut à mes engagements) le mènent évidemment (ça, c'est ma déduction), à cet étrange règne par "conseil de sécurité" opaque interposé, qui le dispense de rendre des comptes à la représentation nationale composée de 308 députés godillots, et qui lui permet d'être seul.

Une voix discordante, toutefois, celle de François Patriat qui s'est voulu et se veut encore "macronlâtre" et qui parle de Messie et ne met rien au-dessus de Macron, risque à demi-mot et demi-voix un bémol, qu'il corrige avec passion aussitôt.

On a envie de citer tout le livre ; je préfère vous dire de le lire.

Citations :

  • Macron se dit "et de droite et de gauche" ? "Pour moi, Emmanuel Macron n'est ni de droite ni de gauche mais socialement conservateur", rétorque Pigasse. (...) Il est pour moi le produit le plus pur de l'élitisme français, au sens du microcosme parisien (....). C'est le fils spirituel de trois personnes qui ont contribué à le construire, ajoute-t-il. Dans l'ordre : Attali, Minc, Jouyet. Ils ont en commun d'être de la même génération, et "ni de droite ni de gauche", comme l'illustrent leurs propres histoires personnelles." Il a bien sûr une énergie et une détermination incroyables, et il a su voir l'espace entre droite et gauche et la faillite des partis traditionnels. Mais il y a aussi un système qui à un moment l'a choisi, l'a pris et l'a placé là, et dont il a su jouer."
  • Tout de même, Pradié ne peut-il rien concéder au chef de l'Etat, saluer au moins la performance physique [de son Grand Débat] ? Pas question, rien ne trouve grâce à ses yeux.
    "Oui, il a une prostate qui lui permet de tenir pendant cinq heures, ironise-t-il. OK, il a transpiré. Oui, il a une capacité de mémorisation phénoménale, OK. Ça va. Je suis très intolérant face à l'extase qu'on peut avoir. A l'époque, ça ne valait pas que pour Macron, d'ailleurs : je me suis engueulé avec quelques-uns de mes collègues, on me parlait du style d'Edouard Philippe. C'est quoi, le style d'Edouard Philippe ? Et on me parle de la manière dont ses costards sont taillés et de ses boutons de manchette. Et ça, ça m'insupporte. C'est tout. Donc, cette espèce de fausse performance physique, je n'ai aucune admiration pour ça."
  • (...) [L]e président rencontre le regard du député Pradié, ceint de son écharpe tricolore et dont la moue dubitative ne lui échappe pas. "Oui, moi, monsieur le Député, je viens au contact", insiste Macron. La réplique de Pradié fuse : "Oui, vous venez au contact : avec des centaines de CRS, ce n'est pas très compliqué."
  • "Sarkozy, pour lui, la politique, c'est du foot. Et comme il sait que c'est lui le meilleur, il joue avant-centre, et de toute façon il peut vous passer le ballon, vous allez lui rendre à un moment pour qu'il marque le but. Macron, lui, il joue au tennis, et vous êtes son ramasseur de balles..."
  • Son alter ego juppéo-sarkozyste, Alain Minc, dans les coulisses du pouvoir depuis si longtemps lui aussi, abonde : "Son problème, c'est le peuple, oui. Comme c'était le problème de Giscard. En plus, même s'il n'a pas le passé grand-bourgeois de Giscard, parce qu'il est du milieu petit-bourgeois, il n'empêche qu'il représente les élites, même physiquement." Enfin, voici Robert Zarader, autre conseiller de l'ombre, plus lointain, mais au jugement acéré : "Pour moi, il y a un fil conducteur : c'est le premier président confiné qu'on a  : il connaît sa femme à 15 ans, les écoles, l'ENA, la banque, l'Élysée, ministre, président de la République. A quel moment il a pu... A quel moment il est sorti ?"
    Comprenez : à quel moment est-il "sorti" de son univers, combien de fois a-t-il été en prise directe avec ceux que l'on surnomme de manière parfois méprisante les "vraies gens" ?
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Commentaires
T
Hé oui, tout ça, on le sait, et il le sait aussi sans doute, que sa "seule" chance d'être ré-élu sera "par défaut", comme il a été élu: "TINA" (il n'y a pas d'alternative), face à un(e) repoussoir absolu, et avec seulement un socle très minoritaire (mais suffisant?) d'adhésion (au 1er tour)... Parce qu'on peut se faire avoir (croire) une fois, mais pas deux... <br /> <br /> Je n'ai pas lu le bouquin, j'attends de le trouver à 50 centimes d'euros dans une bouquinerie...
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