Les Algues vertes, de Pierre Jolivet (2023)

Inès Léraud (jouée par Céline Sallette, très crédible), aux termes d'une enquête qu'elle avait menée en tant que journaliste indépendante pour une radio, avait publié avec Pierre Van Hove, en 2017 une bande-dessinée : Algues vertes, l’histoire interdite. C'est dans les Côtes-d'Armor qu'elle avait enquêté et subi des pressions, ainsi que ses sources, sur des décès suspects que tout un cadre politique, économique et policier avait refusé d'attribuer, contrairement à l'évidence, aux algues engendrées par les produits phyto-sanitaires, aux épandages et lessivages pluviaux de lisier dans les eaux. De cette bande-dessinée, elle a tiré, avec Pierre Jolivet, un scénario où elle raconte sa propre histoire et celle des familles des victimes de ces algues qui dégagent de l'hydrogène sulfurique, un des gaz les plus dangereux.

La violence des réactions, des accusations qu'elle rencontre au cours de son enquête la laissent sans voix, l'ébranlent mais finissent par la galvaniser. Sa ténacité, les témoignages qu'elle récolte, les preuves aussi, s'empilent, et finissent par donner du courage aux timorés de l'omerta : le film est à cet égard encourageant, laisse croire qu'on peut encore avoir raison, même si les enquêtes intentionnellement bâclées aident encore trop les coupables.

Je parlais plus haut d'accusations ; elles sont assez renversantes : pour l'intimider, intimider ceux qui pourraient parler, on allégorise la Bretagne. Si l'on dénonce une agriculture devenue industrielle, productiviste, c'est que l'on veut "tuer la Bretagne" ; accuser ceux qui pourrissent la Bretagne, rendent son eau du robinet impropre à la consommation, c'est accuser la Bretagne elle-même ! Bel exemple de perversion intellectuelle et morale ! La dénonciation de la FNSEA, attendue, se renforce de chiffres et d'exemples clairs : à ce titre, le film est nécessaire pour une éducation populaire.

Moi qui m'ennuie facilement en ce moment, j'ai été tenue d'un bout à l'autre par cette chronique importante qui réhabilite le journalisme et le service inestimable qu'il rend à la cité.

Enfin, je découvre des chants a cappella bretons pleins de charme et qui m'ont suivie longtemps après la fin du film.

Article sur reporterre.net et bande-annonce.

Comments

[tadloiducine]

J'ai ce film dans le collimateur pour cet été... sinon ce sera en DVD! Quant à la BD, elle figure dans le "système de prêt de livres" de l'AMAP dont je fais partie, je pense que je l'emprunterai à la rentrée!