Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mots et Images
Mots et Images
  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
Newsletter
18 août 2023

Shabbat, ma terre, de Jean Rouaud (2023)

a44e28b54b0ff9af20afb7c25428195ae9bd6cSous-titre : Trois propositions pour repousser le jour du désastre

L'auteur fait trois propositions sur le ton du pamphlet : la première se rapporte à la nécessité du repos prônée par la Bible, où Dieu se reposa après la Création. C'est le néolithique qui, empiriquement, après avoir éprouvé qu'une terre qui a donné une fois avec abondance s'épuise peu à peu, comprit l'intérêt de la jachère, jusqu'à ce que notre XXème siècle découvre qu'en l'empoisonnant, on peut la stimuler.

Jusque-là, j'ai imaginé avec enthousiasme pouvoir donner à lire cette oeuvre aux élèves de Seconde qui doivent étudier les discours et la littérature d'idées.

Cependant la deuxième proposition est le véganisme ou du moins le végétalisme. Impeccable argumentation et qui ne me fait pas cadeau des petites lâchetés comme trouver très bien ses idées et ne pas les appliquer. Or dans une région où les aficionados sont surreprésentés (au point où un député communiste se désolidarise de la proposition d'abolition d'Aymeric Caron, du même groupe NUPES car ses administrés ne sauraient goûter un tel engagement de sa part), où les domaines de chasse sont nombreux et les "omnivores" font 98,4% de l'effectif, je n'ai pas vraiment envie de me battre avec des parents d'élèves qui m'accuseront de faire "du prosélytisme" auprès de leurs enfants, ou avec les 0,6% de parents végans qui me reprocheraient d'avoir ôté du corpus ce si salubre chapitre 2 intitulé "Bien-être animal, bien-être des consciences" (j'y ai songé). Rouaud y fustige l'hypocrisie de ceux qui voudraient apporter des aménagements à cette pratique (l'équivalent du film bucolique aux sacrifiés de Soleil Vert) au lieu de l'interdire directement.

La troisième proposition, qui renoue avec la première, mais dans le domaine des retraites, est encore trop chaude d'actualité politique pour que je ne la tente dans ma profession. Elle s'appuie en tout cas à nouveau sur la Bible pour rappeler que ce sabbat est un jour où l'Humain n'est pas censé arriver complètement à bout : il doit pouvoir physiquement et mentalement, spirituellement, jouir de son repos ; elle plaide pour une refonte de la retraite, qui rappelle l'approche de Friot, vue rapidement.

J'avais quelques préjugés sur Jean Rouaud, sans l'avoir jamais lu, et le trouver en apôtre de la décroissance, voire du véganisme m'a stupéfiée. Mais les chiffres et les proportions cités sont impitoyables et si le jour du désastre est plus proche d'année en année, je pense qu'effectivement, suivre ces trois préconisations pourrait freiner les choses. Depuis Rousseau jusqu'à Rouaud, le nombre d'intellectuels qui ont fait dater du néolithique le début de la fin (dans des domaines très variés) est impressionnant. J'aimerais citer le tiers du livre, ce qui ne serait pas juste pour un opuscule de 42 pages, et illégal. Il me reste à conseiller de le lire à ceux qui s'intéressent aux thèmes évoqués ci-dessus, et aux autres éventuellement.

Citations :

  • L'exploitation des hommes, des animaux, du sol, des forêts, c'est la grande innovation dont se flatte le néolithique. Exploiter jusqu'à ce qu'il n'ait plus rien à tirer, des hommes, des animaux, du sol et des forêts. Et on applaudit, on s'extasie. Grâce à l'invention géniale de l'agriculture, nous ne serions pas morts de faim, grâce à quoi nous nous sommes multipliés, grâce à quoi nous roulons à 130 km/h sur les autoroutes qui sont, avec les espaces bitumés, bétonnés, autant de bâillons posés sur le sol, l'empêchant de respirer, de proliférer, grâce à quoi nous exploitons les enfants congolais pour extraire le précieux coltan dont se nourrissent les systèmes informatiques, volons la jeunesse des femmes bengalis qui assemblent dans des conditions concentrationnaires les pièces de nos vanités, profitons des prisonniers du Laogai chinois et de tout un monde de "petites mains", cachées dans les enclaves de pauvreté, pour assouvir notre besoin de frivolités, grâce à quoi nous expédions dans l'espace des divisions de rubikubs qui formeront bientôt un anneau lumineux métallique autour de notre terre, ce qui nous empêchera de voir le soleil se refléter sur Vénus. À cause de quoi notre planète, pillée, étrillée, vidée, crie grâce.
  • Car la manne financière résultat de la consommation de viande et de lait est vertigineuse. Plus de soixante-dix milliards de têtes de bétail. Ce qui, nous seulement fait des dégâts avant d'arriver dans l'assiette (cet élevage concentrationnaire est responsable d'une pollution atmosphérique et terrestre égalant la grande chaudière à ciel ouvert des énergies fossiles) mais il faut les abreuver, les soigner, les nourrir, à quoi on consacre quatre-vingts pour cent des terres cultivées, et cultivées sans ménagement pour le sol et la santé. On ne va pas s'embêter à épiler à la pince un champ de soja, vaste comme un département, de ses mauvaises herbes. Roundup pour tout le monde. Qui, transitant par les animaux martyrs, finit de toute façon par nous passer à travers le corps.
  • Les révolutionnaires, dans leur acharnement voltairien à en finir avec "l'infâme" (...), supprimèrent la semaine de sept jours (donc l'héritage biblique) pour la remplacer par le décadi. Autrement dit, au lieu de cinquante-deux dimanches chômés, il n'en restait plus que trente-six. Du côté du patronat, on commence à se frotter les mains, à considérer avec "intérêt" ces ultras. La Révolution a du bon. On voit que ce sont d'honnêtes bourgeois qui la dirigent après les exactions de la populace à laquelle on a laissé le sale travail de déblaiement des institutions en place. D'autant que l'Ancien Régime bondieusard ajoutait aux cinquante-deux dimanches vingt-cinq fêtes religieuses, également chômées, sachant qu'il était interdit d'obliger un homme ou une femme à travailler le jour du Seigneur. Voltaire bien sûr, mais aussi Montesquieu s'en étaient alarmés, qui dénoncèrent les "effets pervers" de ce pieux repos accordé aux travailleurs.
  • Carpe diem. C'est tout ? Juste profiter du jour qui passe ? Mais ça, cette injonction, ne pas se soucier du lendemain quand aujourd'hui est déjà un problème, hormis pour les oiseaux du ciel et les nantis, c'est précisément ce qui constitue la pierre d'inquiétude de la majeure partie de l'humanité. (...) On peut fixer une date de départ en retraite, mais sa date de fin relève de la loterie de la vie. Problème, cette roue de la loterie est truquée. Lors d'un retour au pays natal, j'ai vu mourir Abilio et Bébert qui venaient tous deux de passer la cinquantaine, d'avoir inhalé pendant des années, l'un les vapeurs toxiques de cales de bateaux et l'autre les vernis d'un atelier de menuiserie. Tous deux, poumons dévastés. Ce qui revient à dire que deux moribonds ont cotisé pour les gens en bonne santé. On n'appelle pas ça la justice.
Publicité
Commentaires
T
(heu... Je pensais à Stabat Mater... sans connaître la totalité ni le "sens" de l'hymne catholique... juste quelques réminiscences latines...)
Répondre
T
Bon bah si j'interprète bien les jeux sur les mots, il vaut mieux se reposer que se "tenir debout" (ou se tenir là tout simplement)... C'est pas idiot, comme philosophie, hein...
Répondre
Publicité
Archives
Publicité