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Mots et Images
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  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
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12 août 2023

Joost Van Vollenhoven, d'Albert Prévaudeau (1953)

couverture Joost van vollenhovenC'est peu de dire que j'attendais beaucoup de cette biographie, la seule qui soit disponible, récemment rééditée sous forme d'e-book et que j'en ai été très déçue. Il fallait dire que, pour y accéder, j'avais dû accepter le principe de télécharger un logiciel de lecture numérique, qui oblige à repayer indéfiniment son prix dès qu'on veut le faire lire à quelqu'un, ce qu'empêcherait le livre papier. Bref, j'ai dû en payer une deuxième version pour mon fils, qui est de la famille du susnommé.

Il ne s'agit pas d'une biographie, encore moins d'une biographie à la mode contemporaine où, quelle que soit la sympathie qu'on a pour son sujet, on ne s'abstient pas de faire feu de tout bois, y compris sur des thèmes que ce dernier n'aurait pas aimé spontanément qu'on aborde. Le mot "hagiographie" a fini par s'imposer à moi, dans ses omissions, dans ses focales, dans le lexique et les stéréotypes du héros de la patrie, très dans la manière de Michelet quand il parle de Jeanne d'Arc : c'est tellement impersonnel, évasif, de parti pris et opaque qu'on retire sa confiance à l'auteur, en dehors des documents cités, forcément classés et vérifiables... D'ailleurs, les aspects de leurs vies sont abordés dans le même ordre avec, pour "la tentation de Jeanne d'Arc", celle de Clemenceau qui exhorte assez cavalièrement Van Vollenhoven à rester Gouverneur du Sénégal, en contradiction avec ses propres principes (avec une résistance morale épique), puis le chapitre "mort". Aujourd'hui, on achèverait par une sorte de "droit d'inventaire", une "étude de l'impact", de l'inscription du parcours individuel dans l'Histoire, ce qui me semblait intellectuellement possible en 1953 pour un grand homme mort en 1918. J'ai toutes les raisons de craindre que d'autres biographies, comme une intitulée Une Âme de chef, ne soient de la même eau...

jacob_johannesBref, ma surprise commence dès les premières pages : quand l'auteur associe le nom de "Van Vollenhoven" à des visions de champs et de "paysans en sabots"... En fait, même à l'époque où la famille n'avait pas encore sa particule et ses armoiries, on ne pouvait dire une telle chose : les Vollenhoven étaient de riches pêcheurs à Schiedam, les choses changèrent avec Anthonie, à la fin du XVIIème siècle à Rotterdam, avec une longue dynastie de bourgeois annoblis et de parlementaires avant Joost (un de ses cousins éloignés épousera d'ailleurs la Princesse Margriet Van Oranje-Nassau). La case "sabots" n'a jamais été cochée. Si l'auteur a vraiment consulté "Jean" (Arnoldus Johannes, avant sa naturalisation), il ne peut pas ne pas avoir eu l'information que le père de Joost n'était pas allé en Algérie en tant qu'immigré vêtu de gros drap et chaussé de sabots auquel la France donnait une occasion exceptionnelle d'élévation, mais en tant que Consul des Pays-Bas, qui, à ma connaissance, n'a jamais demandé sa naturalisation et a converti ensuite sa carrière dans le commerce des vins.

Figure imposée : la douce et sainte maman (aujourd'hui, on l'individualiserait, histoire de ne pas l'invisibiliser, en lui restituant son nom d'Helena Annette PLUIJGERS) qui, curieuse chose, parle trois langues étrangères à ses fils, comme toute cueilleuse de tulipes... Mais il concède qu'elle est "la belle-fille du bourgmestre de Rotterdam"... Que de contorsions pour éviter de dire que c'est le père de Joost qui est, plus directement, le fils du bourgmestre de Rotterdam (et Lid Eerste Kamer pendant vingt-cinq ans), grand-père lui-même prénommé Joost ! Tout est fait pour étayer ce mythe de la méritocratie à la française dans l'excellence du jeune homme, autre figure imposée ; le parcours de comète de Joost Van Vollenhoven est assez étourdissant : partout premier, partout impressionnant ses chefs et ses pairs. Pour clore ce thème, j'ajouterai que lors de l'entrée dans sa chambrée de soldats du jeune homme, un aréopage d'officiers l'accompagne, et notamment "le consul de Hollande".

Autre figure imposée : le naturalisé ne doit pas sentir l'Edam. Une page après avoir signalé que Joost est parti passer ses vacances en Hollande - ce qui montre qu'il n'a jamais rompu avec ses racines - il est question de sa naturalisation, qui n'est qu'une formalité car "Français, il l'était depuis son arrivée sur la terre algérienne. Pas un instant, dès lors, ne se passe sans qu'il ne se pense Français. Chez lui, rien ne rappelle ses origines. C'est à croire qu'il est de vieille souche (...)." On ne peut pas ignorer quand on a lu La Promesse de l'aube quelles suspicions entraîne la naturalisation, quand on veut entrer dans l'Armée. Je suppose que l'auteur le sait bien aussi et essaie de prémunir son lecteur contre ce préjugé en l'assurant que son sujet était un patriote français-né ou peu s'en faut.

Son célibat décidé dès la prime jeunesse ne saurait évidemment pas souffrir l'interprétation qu'on lui donnerait aujourd'hui et on en fait par conséquent un moine-soldat, un être consacré corps et âme à ses missions séculaires.

Joost-VV-gouverneurPour le reste, toutes les sources concordent : excellent dans les études, comme je le disais plus haut, scolaires et "Coloniales", admirable dans les classes militaires et sur les champs de bataille, chef-né mais bon camarade, élève apprécié des professeurs et professeur à l'Ecole Coloniale (quelques mois) apprécié des élèves, fin négociateur, audacieux dans sa critique de l'administration coloniale (n'allant quand même pas jusqu'à mettre en cause la colonisation, loin de là !). On sait qu'il fut jaloux de son autorité et du bien-fondé de son application dans le gouvernorat du Sénégal au point de préférer retourner sur le champ de bataille de la Première Guerre mondiale, sans prérogatives, que d'être assujetti à un Commissaire (Diagne) qui aurait fait lever les troupes "indigènes" qu'il se refusait lui-même à lever, que sa mort fut héroïque.

Je n'entrerai pas dans les détails de sa vie, qu'on trouve partout sur internet, mais je dirai qu'il me manque une biographie plus objective, moins idéologique, pour mieux connaître celui qui reste malgré tout, et d'accord avec cet auteur, un véritable héros pour moi.

Peut-être :

  • (en) Alice L. Conklin: 'Democracy' rediscovered. Civilization through association in French West Africa (1914-1930). Cahiers d'études africaines, (1997), vol. 37, cah. 145, p. 59-84
  • (nl) Silvia Wilhelmina de Groot, Joost Van Vollenhoven : 1877-1918 : portret van een Frans koloniaal ambtenaar, Amsterdam, Historisch Seminarium van de Universiteit van Amsterdam, 19

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