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25 février 2010

La Vie sexuelle d'Emmanuel Kant, de Jean-Baptiste BOTUL (1999)

viesexuellekantPetit ouvrage d'un philosophe imaginaire, Jean-Baptiste Botul, qui aurait vécu entre 1896 et 1947, et donné des conférences, que son marionnettiste, Frédéric Pagès, agrégé de philosophie, présente.

Sous ce titre, nous avons donc la retranscription d'une conférence imaginaire donnée au Paraguay par l'évanescent Botul et qui est un sommet de finesse, d'humour et de transgression.

Car j'ai encore en souvenir de ma Khâgne des pages à la fois passionnantes et arides, et une anecdote glaçante : l'immuable promenade digestive de Maître Kant (erre) à travers les rues de Königsberg, sur laquelle les commerçants règlent leur horloge...

Botul/Pagès part de la sédentarité étrange chez les philosophes du XVIIIème siècle, qu'il explique de manière sociale : Kant était un philosophe libéral d'origine modeste, vivant de ses leçons, pas un professeur appointé. Le confort de sa demeure, pour donner des cours, et la fidélité/fidélisation de sa clientèle excluait les moindres villégiatures culturelles ou politiques. De la même manière, n'étant pas un bon parti, et les besoins d'un ménage déséquilibrant encore le rapport travail/revenus, le célibat semblait encore être la seule solution. S'intéressait-il aux femmes ? Sans doute. A-t-il été chaste ? Rien ne le prouve, rien ne dit le contraire.

Réservée et pudique, la correspondance du philosophe ne nous éclaire guère, et elle semble être dans le refoulement le plus extrême. Kant avait une agitation intérieure, un côté sombre qu'explique cette volonté de contrôle et d'ordre, ce goût de la dignité. On n'évite pas le folklorique, deux doigts de misogynie, un doigt d'ignorance anti-masturbatoire (vieilles lunes de Diogène Laërce, le sperme, c'est : "une goutte de cervelle"), qui tient plus de l'hypocondrie que de quelque délire pharisaïque, malgré Onan et son mythe, qui rodent subliminalement.

Extrait :

  • "Si la plupart des philosophes furent célibataires, c'est pour témoigner que le but ultime de l'Humanité n'est pas de se reproduire. Nous ne sommes pas des chiens, nous ne sommes pas des paramécies, nous ne sommes pas des lapins. La philosophie et l'affirmation qu'il existe une façon non sexuelle de se perpétuer. Les héritages philosophiques se passent de gènes. (...)
  • Un corps collectif se crée, qui défie le temps. Membres de ce lignage, les philosophes se reproduisent entre eux, sans sexe, par des moyens complexes qui s'appellent affiliation, agrégation, amitié. (...)
  • Le seul liquide fécondant, c'est l'encre, ce succédané de bile noire. Lire, écrire sont les gestes élémentaires du philosophe, homme de bibliothèque. Le livre est un organisme vivant qui engendre son semblable, d'autres livres - sous forme de commentaires vivaces et 'interprétations proliférantes."

Sur la polémique à propos de l'"énorme bourde" (Aude Lancelin, journaliste de moi inconnue jusqu'à ce qu'elle m'éblouisse par sa culture, du Nouvel Observateur) du malheureux Bernard-Henri Lévy qui cite Botul dans son dernier opus De la Guerre en philosophie, je ne pourrai me montrer aussi ricanante que tous les forts en thème ou que les moutons bêlants qui n'ont ni orthographe, ni lettres, ni entendu parler de Kant, mais qu'on voit s'esbaudir sur les forums, pour un haro sur le baudet sans risque.

FPagesD'abord, j'ai commencé à lire ce livre sérieusement, moi aussi, alors je serais culottée d'en faire le reproche à quiconque. Contrairement à ce qui est reproché à notre BHL international, Internet ne m'a pas livré "en quelques clics" le fin mot de l'histoire, et rien dans notre ouvrage n'éventait le canular. Ensuite, ces raclements rétro-nasaux me font trop penser à la petite revanche du cancre quand le professeur oublie de mettre un s à la fin d'un mot au pluriel, et qui lui fait soudain croire qu'ils sont plus savants que lui. Pour finir, je dirai cruellement que, ce qui m'a fait acheter "La Vie sexuelle d'Emmanuel Kant", c'est justement d'avoir vu, en zappant, BHL le brandir sur un plateau-télé en en conseillant la lecture, et que, même quand il se trompe, notre globe-trotter provoque plus de merveilleuses surprises philosophiques qu'un seul talentueux Pagès en publiant en 1999, à mon complet insu, cet opuscule.

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