Ne mâchons pas nos maux, d'Isabelle Saporta (2009)

Dans la lignée de Jean-Pierre Coffe et de Marianne (journal engagé pour une des rares batailles alimentaires remportées, celle du lait cru), Isabelle Saporta s'élève contre les dérives de l'industrie agro-alimentaire et d'un mode de vie qui a flatté notre croyance de ne plus avoir le temps ou l'envie de cuisiner. Ces dérives sont des problèmes de santé accrus et un coût faramineux sur moyen et long terme pour le consommateur, parfois à court terme.

Sont ainsi devenus des catastrophes la disparitions des artisans et commerces de bouche, qui savaient à la fois sélectionner des produits pour leur qualité et entretenir des filières singulières plutôt que de grands pôles de production, et enseigner à leurs clients leur intérêt et la manière de les cuisiner ; la difficulté à cultiver des légumes non-référencés ou à élever des animaux sans passer sous les fourches caudines de contrôles tatillons qui, sous prétexte d'hygiène, ne permettent plus le cas par cas (exemple : on doit tuer toutes les bêtes en même temps, sans laisser quelques jours de plus aux poulets qui ont une croissance modérée) ; la paupérisation des agriculteurs et éleveurs qui finissent par mettre la clé sous la porte ; la paupérisation du public, qui privilégie le court terme, sans se rendre compte qu'il est perdant à long terme sur l'argent autant que sur la qualité ; l'inculture et l'acculturation gastronomique des familles, manipulées pour n'être que des consommateurs ; le packaging-roi...

C'est écrit fluidement et c'est intéressant.

Citations :

• "Malignes, les marques sont parvenues à détourner les messages du Programme national nutrition santé en jouant sans cesse sur l'ambiguïté. Un récent sondage mené par l'institut BVA avance que 54% des sondés confondent le sens du message officiel avec le produit promu dans la publicité. Ils sont ainsi 44% à penser, à tort, qu'une publicité pour un yaourt aux fruits accompagnée du message "manger cinq fruits et légumes par jour" signifie que ce yaourt fournit une portion de fruit. Or les apports en nutriments essentiels d'un yaourt trop sucré ne sont en rien comparables avec ceux d'un fruit frais."

• "Les jeunes savent pertinemment qu'il faut revenir chez nous, nous ne sommes pas un espèce en voie de disparition vouée à nourrir uniquement les seniors", s'insurge Christian Le Lann. Dans ma clientèle, j'ai une petite jeune fille qui ne roule pas sur l'or. Quand elle s'est acheté un bon bifteck le mardi, je sais qu'elle doit faire attention à ses dépenses le reste de la semaine. Justement, l'artisan sait tenir les budgets serrés. Je la conseille, je lui propose des bas morceaux. On peut faire de bons petits plats avec une viande de qualité qui n'excède pas les 7 à 10 euro le kilo. Il y a plein de jeunes qui ne veulent pas tomber dans le système de la grande distribution !" s'emporte le boucher.
  Et l'exemple de la boucherie est déclinable à l'envi pour tous les métiers de bouche. Il en sera de même des produits achetés chez le poissonnier, le primeur, le fromager...
  Alors, si nous mangions de bonnes choses dont nous connaissons l'origine, pour moins cher que des plats préparés ? (...) Il suffit de s'accorder le temps de connaître les commerçants de son quartier ou de son village et de parler avec eux. Une fois cette relation établie, ce seront vos meilleurs conseillers. Vos plus sûrs alliés contre les dérives d'une vie chère, impersonnelle et coûteuse pour votre santé comme pour l'environnement. Il est temps de prendre enfin conscience que le commerce équitable commence près de chez soi".

Comments

[Dona Swann]

http://www.dailymotion.com/video/xhdzv0_isabelle-saporta-on-est-pas-couche-5-mars-2011-2_news

[philippe]

Merci Isabelle.
J'ai vraiment beaucoup aimé votre face à face avec cet arrogant et réactionnaire Zemmour. Vous êtes convaincante, connaissez très bien votre sujet et j'apprécie vôtre sincèrité (cela ce ressent et ce n'est pas si fréquent en TV). Bref, tout me plait: ce que vous dites, votre spontanéité et votre délicieux sourire. Surtout surtout, gardez bien cette grâce...Woaw !