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28 avril 2015

La Fabrique du crétin - La mort programmée de l'école, de Jean-Paul Brighelli (2005)

brighelliVoici enfin un peu de temps pour lire cet essai dont j'avais beaucoup entendu parler. Il ne dit rien de bien nouveau par rapport à d'autres auteurs (Maurice T. Maschino, par exemple, et son "Vos enfants ne m'intéressent plus" ou "Voulez-vous vraiment des enfants idiots ?").

Pour beaucoup de choses, je souscris à son analyse : une réforme Haby instituant le collège unique sur une hypothétique (et fausse) hausse de la natalité, entérinant une coutume qui n'a jamais été stoppée depuis, - tout juste ralentie : la baisse du nombre d'heures de cours, notamment en français. Il parle également de baisse qualitative, née du combat contre un ennui décrété par les anciens bons élèves et prêté aux "mauvais". Cette baisse tend à vider les enseignements de leur substance disciplinaire, de leurs enjeux, pour proposer d'ausculter les propres centres d'intérêt voire le propre supposé intérêt des élèves, avec une complaisance particulière pour les ruraux et les banlieusards, traités en indigènes (cf. Préface de Bernard Lecherbonnier). Or c'est l'absence de défi intellectuel associée à l'impossibilité d'apprendre rigoureusement et exhaustivement sa langue qui renfonce l'élève en difficulté dans son exclusion et fait le lit de son ennui.


Cet essai a été écrit en 2005, je peux y apporter mes propres chiffres, plus récents, assortis de perspectives :

- en addtionnant toutes les heures de français hebdomadaires de la 6ème à la 3ème en 1977, on avait 22H

- en 2015, on a 17 H

- en 2016, avec la réforme Vallaud-Belkacem, on en aura encore moins, mais impossible de savoir combien exactement, car les chefs d'établissement décideront si la chute sera grande ou abyssale entre leurs murs.

La question est de savoir s'il y a une volonté claire d'abêtir les masses ou si c'est une crétinisation collatérale, née de la prégnance des idéologues de mai 68 : Brighelli semble hésiter entre les deux causalités, sans vraiment dire qu'il hésite. Quant à moi, je pense plus simplement (même si, et justement parce que je suis d'accord avec lui pour dire que le point de départ de la fin des haricots didactiques, date de Pompidou) qu'il s'agit juste des conséquences d'une volonté néo-libérale de rendre l'école moins coûteuse, et donc de mettre toute l'école publique au même brouet, avec accélération (toujours d'accord avec Brighelli) depuis les accords de Lisbonne et le processus européen actuel en général.

Beaucoup de choses en revanche m'ont paru écrites sous le coup de la colère et peu rigoureusement pensées, par exemple la corrélation faite entre la violence à l'école et la disparition du Bac en tant que rite de passage, est en contradiction avec sa propre thèse que tout a fichu le camp quand on est passé d'un Bac à 20% de la population à un Bac à 80% d'icelle. A l'époque, le Bac en tant que rite de passage aurait dû manquer à encore plus de monde. Par ailleurs, je ne crois pas que la violence soit de la faute de l'école ni même du système scolaire (je pense plutôt à une société extrêmement violente dans son ensemble, des politiques violentes sur toute la planète et la difficusion qui confine à la propagande des réponses violentes de tous les Etats du monde à leurs propres problèmes).

D'un point de vue biographique, j'ai deux choses à dire. Une, un tantinet odieuse, en tout cas, oiseuse : se présenter comme un "fils de flic" sachant que ledit père flic a fini prof de Fac, c'est mentir par omission ; Brighelli fils n'est pas plus un homo novus pur que je ne serais pure fille d'immigrés. L'autre est que, sachant qu'en dehors d'un parfum de scandale parmi ses pairs (problème quand il fut jury du CAPES, par exemple) il a été décoré (Légion d'Honneur), fêté, reçu par tous les politiciens, notamment de droite, je m'étonne qu'en dix ans, rien n'ait été fait par aucun d'eux pour réparer un tant soit peu ce qu'il dénonce ; au contraire, la future réfome Vallaud-Belkacem (de gauche néo-libérale : l'oxymoron vaut zéro) du collège accélère, aggrave, amplifie absolument tout cela, ultime casse, disparition du savoir disciplinaire, dissolution de l'ascèse et de la progression dans l'interdisciplinarité et le particularisme (oserai-je dire "l'idiotisme" ?) et bien entendu, de tout ce qui peut avoir l'air, de près ou de loin, quelque chose d'exigeant, traité d'élitisme. Mais les élites - je suis bien d'accord avec Brighelli - sauront mettre leurs rejetons ALPHAS dans les réserves naturelles que sont quelques établissement publics ou privés parisiens où l'on sait expliquer aux maîtres qu'ils n'ont pas à s'occuper des amusettes ordonnées par le Ministère à l'usage des individus EPSILON.

Je subodore donc que M. Brighelli s'est fait récupérer non pas en tant qu'"idiot utile", mais en tant qu'alibi : avoir Brighelli dans son camp, c'est récupérer les profs qui ont voté massivement NON au Traité de Lisbonne en leur laissant croire qu'ils vont à nouveau pouvoir enseigner avec les seules méthodes qui marchent... et suffisamment d'heures pour ancrer les connaissances.

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