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6 décembre 2015

Crash-test, de Claro (2015)

crash-test-claro

Voilà un des romans les plus originaux que j'aie lus cette année 2015... et j'ai pourtant lu le manuscrit d'une chère amie qui ne devrait pas manquer de faire du bruit quand il sera publié... C'est une libraire qui me l'a conseillé quand je suis passée, cherchant un livre pour mon "Défi éclectique" dont une des catégories devait être "roman de la rentrée".

Le premier #1 est particulièrement virtuose, qui compare la naissance au premier crash. L'auteur affecte ensuite de faire un exposé technique sur la place du crash ou du crash-test dans l'économie automobile, ce qui, en soi, est aussi passionnant qu'une brochure technique. or, le style n'est pas le même et vient nous rappeler le genre. On se demande pourtant, toujours au début, si l'on a affaire à un roman (ainsi intitulé), ou à un essai, ou même de la poésie en prose, à cause des fantaisies typographiques et des retours à la ligne anarchiques, car le récit met du temps à embrayer.

En réalité, le présent gnomique devient présent de narration, les pronoms indéfinis se personnalisent et l'on entre pour finir dans une vie meurtrie par le crash-test de la vie. C'est alors un passage dans un strip-tease d'anthologie (mon passage préféré), puis dans une nouvelle série de chapitres #porn-story qui nous emmène dans la peau d'un jeune de douze ans, qui trouve un exutoire dans la lecture de bandes-dessinées pornographiques. Ses parents alcooliques tentent de donner le change jusqu'au jour où la folie devient la plus forte et emporte toute la famille...

Pour l'auteur, il y a un lien entre le crash-test et la pornographie, parce qu'il évoque à plusieurs reprises l'actrice du célèbre film pornographique des années 70, Gorge Profonde, dont la vie a basculé lors d'un accident de voiture. Mais il évoque aussi bien le premier accident automobile de l'histoire, vécu par Mary Ward, une spectatrice de strip-tease décédée d'une rupture d'anévrisme qui finit comme cadavre testeur d'automobiles et toutes ces nuances n'aboutissent pas à me convaincre du lien. Le crash-test #5 (de la fin du livre, sans lien, ce qui est dommage avec le chapitre intitulé de même au début) tente une synthèse, mais il ne s'agit pas alors de pornographie, mais tout simplement de sexualité... Pour moi, c'est encore autre chose.

Je n'irai pas, comme certains critiques, mettre ce lien artificiel sur le compte d'une tentative de recette facile de succès littéraire fondé sur le voyeurisme, encore moins de prétendre que le style est travaillé aléatoirement pour laisser croire à un projet poétique. Le style lui-même est un bijou, le genre est polymorphe, il rebondit par surprise, et il vaut vraiment le détour.

Citations :

  • AU COMMENCEMENT ÉTAIT L'ACCIDENT. Il le sait, l'a toujours su, et ce depuis sa naissance dans les entrailles d'une clinique d'abattage où à toute heure du jour et de la nuit, sous des traînées de néons, les ventres béaient et se contractaient au rythme du sang pulsé, les matrices saturant l'air d'ondes et de cris qu'aussitôt recrachés les avortons aspiraient goulûment, leurs yeux d'agoutis brûlés par l'incandescence des lampes, avant d'être secoués, rincés, palpés, intubés pour certains, cajolés pour d'autres, carambolés de salle en salle dans l'urgence de leur salvation ou bien chrysalidés dans du linge empestant le dakin, la scène se répétant inexorablement (...).
  • Entre 1970 et 1972, la rue apprend à recevoir des ordres. Le 4 juillet 1970, l'Assemblée promulgue une loi faisant du piéton, en cas de troubles, un émeutier, pour ainsi dire par capillarité, ou contagion, toute présence au sein des turbulences étant assimilée juridiquement à une forme de complicité, comme si occuper, même provisoirement, l'espace de la rue, d'une rue d'abord terrain de jeu, puis lieu d'affrontements, où chanter et déboulonner, et enfin zone de victoire, de parole, revenait à s'en réclamer le maître, ou du moins le prétendant, ou comme si l'air que traversaient slogans et cocktail, pour peu qu'on le respire, risquait d'infecter moins les poumons que le cerveau et d'entraîner, à force de familiarité, un goût pour la sédition, un appétit du chaos.
  • Je citerais bien le [CRASH-TEST # 21] mais le format de canalblog ne permet pas une typographie proche du roman. Je vous renvoie donc aux pages 58-59 de l'édition Actes Sud 2015.
  • Lecture faite par Claro. Je ne sais pas pourquoi il a choisi ce passage, car c'est le plus convenu...

 

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