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Mots et Images
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  • Ceci est le journal de mes films, de mes lectures, de mes spectacles et, parfois, des expositions où je vais, sans prétention à l'exhaustivité, à la science, ni à l'objectivité. La fusion avec over-blog a supprimé mes "liens amis" et je les prie de m'en excuser. Je suis la première ennuyée...
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25 mai 2016

Le Diable au corps, de Raymond Radiguet (1923)

diable-corpsRelecture.

Le Narrateur a quinze ans au début de la guerre ; elle ne le concerne pas au premier chef, son père n'est pas mobilisé, pas d'oncle dans ce cas, lui-même évidemment, non plus... Il est ce qu'on appelle un jeune homme précoce : il est le seul à comprendre les allusions littéraires des professeurs, ces derniers sont seuls capables d'apprécier ses finesses et provocations, il fut aussi le seul petit garçon de son école assez dessalé pour fixer un rendez-vous à une petite fille en comprenant ce que cela impliquait de satisfactions affectives et sensuelles. Ses parents croient également devoir lui accorder une certaine liberté, lui qui voudrait déjà quitter l'école pour se dédier à la peinture et au dessin. C'est cette passion qui le rapproche de Marthe, une jeune fille, fiancée à un soldat : l'amour de l'art et le mépris des conventions bourgeoises. Ce mépris les conduit à devenir un jour, après le mariage de la jeune fille, amants, dans un climat de réprobation générale, sur fond de lettres désespérées du mari "poilu" qui s'étonne du peu d'amour et de soutien de sa femme. Le Narrateur est-il prêt à une telle histoire ? A enlever cette épouse à un mari sur le front ? A élever avec elle le fruit de leurs amours adultères ? A affronter la société ?


Un livre que je n'en finis plus de relire cette année, et que j'ai fini il y a déjà quelques temps, mais je n'avais pas trouvé la force de bloguer. Comme toutes les relectures, celle-ci tient ses promesses de découverte(s) nouvelle(s). Quand on a écarté le caractère sulfureux du sujet, provocateur de la situation historique, ou plutôt, quand on va à leur rencontre, on se rend compte que le roman ne contient pas du tout ce qu'on avait l'impression qu'il disait.

Par exemple, les scènes de lit (et il y en a) sont rigoureusement elliptiques et la guerre est ignorée non pas parce qu'elle serait négligeable, mais parce que le Narrateur ne la vit pas personnellement, par personnes interposées. Et l'on est loin du "Bonheur dans le Crime" de Barbey d'Aurevilly, par exemple ! Le plaisir indicible que les amants prennent est payé à haut prix, trop haut prix, ose finir par penser le Narrateur. Quand les pécheurs sont punis, quand le mari bafoué emporte leurs mises, qu'on ne s'est même pas délecté au passage d'un peu d'érotisme, qu'y a-t-il donc de sulfureux ? On est presque dans le conte moral !

En réalité, c'est la pensée iconoclaste de ce tout jeune homme, son refus d'idolatrer l'amour, sa maîtresse, la guerre, ses parents, ses maîtres, ou au contraire d'attendre tout d'eux, cette peinture fine des contradictions de l'adolescence, à l'époque où ce n'était pas encore la mode de l'ériger en figure idéale (Talent, Rébellion, Beauté, Passion, etc.) qui est choquante. Il ne censure aucun de ses mauvais élans, aucune de ses lâchetés, il se montre piteux, imbus de sa propre importance, en même temps. Il expose ses propres contradictions, ses virements et revirements. Quel roman étonnant pour l'époque ! publié par un garçon de vingt ans, qui mourra quelques mois après. Il avait donc déjà tout digéré de la littérature classique et psychologique, des pastorales, et des errances du coeur, déjà vécu une passion...

Relu en mars 2022.

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