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19 novembre 2016

Elégies du 4 Juin, de LIU Xiaobo (2012)

liu-xiaboEn préambule, j'exprimerais presque mon regret d'avoir décidé de ne plus reconduire mon Challenge ABC pour - au moins - l'année à venir. Comme beaucoup d'autres BookCrosseurs, je lui reproche de nous pousser, par jusqu'au-boutisme, vers des auteurs qui ne nous tentent pas plus que cela, parce que leur nom commence par une lettre qui nous manque. La vertu symétrique de ce jeu-défi, c'est qu'on découvre des auteurs qu'on aurait snobé par ignorance ou paresse intellectuelle.

C'est ainsi que j'ai récemment blogué une improbable lettre U dont le titre me repoussait à l'avance, que j'ai couru après une lettre Q guère impérissable, mais connue chez les anglo-saxons, et que la lettre N m'a permis à la fois d'évacuer un polar qui encombrait mes étagères depuis longtemps, et aussi de découvrir un auteur allemand connu à juste titre !


Donc me voilà découvrant, atterrée par ma propre ignorance, Liu Xiaobo (je me rabats sur l'X du prénom) auquel a été décerné, alors même qu'il croupissait, en 2012, dans sa prison chinoise, le prix Nobel de la Paix en 2010. Impliqué dans le soulèvement pacifique du 4 juin 1989, horrifié par le massacre qui leur succéda, il rendit hommage, en toute circonstance, par une élégie (en réalité, ici, un thrène), chaque quatrième jour de chaque mois de juin depuis, aux martyrs de la liberté...

C'est de la poésie contemporaine, en traduction, ce qui fait qu'on en perd, malgré tout le talent que je concède a priori à Guilhem Fabre, son traducteur, sa musicalité. C'est malheureusement probablement là-dessus qu'est fondée son caractère poétique, car les images ne sont pas ce qu'il y a de plus frappant dans le texte : l'urgence d'écrire, d'exprimer l'horreur qui s'est produite sur cette place, les éclipse parfois, je trouve. En revanche, on arrive même en traduction française à trouver un rythme.

Dans les premiers poèmes, notamment à l'incantatoire "A tes dix-sept ans", on sent la culpabilité de l'homme de trente-six ans qui a survécu et la nécessité de rendre hommage à ceux qui sont morts anonymes, portés par l'espoir, le goût de la liberté et la fraternité, et également d'évoquer ceux qui restent, et les mères... Suivent des poèmes plus politiques ou sociaux où l'idée même de Dieu est interrogée. Petit à petit, quinze ans, seize ans après, le souvenir  se dissipe, se déforme, est instrumentalisé et Liu Xiaobo, dont la révolte est demeurée intacte, persiste et dénonce, plantant opiniâtrement ses stèles aux défunts et ses vers...

Citations :

  • Ils ont dépassé tout âge
    Ils ont dépassé la mort
    Tes dix-sept ans
    Déjà éternels                ("A tes dix-sept ans", 1er juin 1991)
  • Qui donc est ce jeune homme pris hasard en photo
    Debout devant les tanks
    Il lève le bras
    Bouleversant le monde entier
    Mais personne si ce n'est la gueule du canon
    N'a pu voir son visage     ("Mémoire", 3 juin 1995)
  • Qu'est-ce que c'est ? Je ne sais pas
    Je pense qu'il est plus courageux que moi
    Comme le rocher têtu où je suis né
    Et pourtant il est plus fragile plus tourmenté que moi
    Pareil aux pousses d'herbes auxquelles je sers d'abri
    Je veux le sauver            ("Mémoire d'une planche", 30 mai 2001)
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