La Vie très ordinaire de Rachel DuPree, d'Ann Weisgarber (2008)
Rachel Reeves est cuisinière dans une pension de famille pour les ouvriers noirs qui travaillent dans les abattoirs de Chicago. Elle aurait bien aimé pouvoir étudier, mais sait au moins lire et écrire, comme sa mère, et, admiratrice d'une grande journaliste noire du Conservator, elle se réserve le droit d'évoluer. L'occasion lui paraît être ce mariage inespéré avec Isaac DuPree, le fils de sa patronne, un beau et clair trentenaire. Gradé dans l'armée, fils de médecin, éduqué, ambitieux, il lui paraît l'homme qui lui permettra de se réaliser : ses projets d'achats de terre dans les Badlands, auxquels elle peut apporter sa contribution matérielle et humaine, l'emballent. Pour ma part, franchement, une contrée avec un nom pareil, moi, je ne m'y serais pas précipitée)
Après quatorze ans, trois enfants morts, six faméliques, Rachel voit les choses et surtout son mari, d'une façon un peu différente et elle se remémore sa vie d'avant et la façon dont elle a été amenée à épouser Isaac.
Un roman d'une émancipation à travers une émancipation, celle des Noirs souhaitant accéder à la propriété et, à travers cela, à la richesse, celle d'une femme d'abord subjuguée par l'amour, puis attachée au bonheur de ses enfants et qui fera pour eux ce qu'elle n'a pas su faire pour elle-même, pas tout de suite. Cela écarte finalement le livre de la catégorie Women's fiction dans laquelle on aurait pu la classer a priori. Le constat que je fais, induite ou pas par l'auteur, est celui qui avait été fait d'une manière un peu appuyée par Steinbeck dans La Perle : il est difficile à quelqu'un qui n'a jamais été riche de le devenir, même quand une circonstance le lui permet. Dans le cas d'Isaac, cela vient bien plus d'un barrage mental intérieur, d'une insatisfaction profonde, plutôt que d'un blocage social.
Merci à Sudisine de m'avoir prêté ce roman.